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MÉRIMÉE.

lorsqu’il écrit à ses « inconnues. » Quant à l’archéologue, ce μέμνασ’ἄπιστεῖν est pour lui, sans conteste, la meilleure des règles ; elle le met en garde contre les légendes et contre ses propres préjugés.

Il exerça sa fonction pendant dix-neuf ans. Sa besogne était double. Il lui fallait parcourir toutes les provinces, reconnaître et étudier les monumens, décider les réparations, déterminer les municipalités à y concourir et rédiger des rapports au ministre. Puis, à Paris, il devait batailler pour obtenir les crédits nécessaires et se débattre au milieu de toutes les complexités administratives. Pour porter le poids de cette tâche écrasante, il fut d’abord tout seul, et ne disposa que de 120 000 francs. Il en obtint 200 000 en 1836. La Commission des monumens historiques fut instituée en 1837. Leprévost, Vitet, Montesquiou, Taylor, Caristie et Duban furent les premiers à en faire partie. De tels concours furent utiles à Mérimée. À partir de ce moment, les crédits augmentèrent presque d’année en année ; portés à 400 000 francs en 1838, ils étaient de 1 100 000 francs en 1859. La Révolution de 1848 n’avait rien changé ni à l’organisation des monumens historiques, ni à la situation de Mérimée.

De cette grande activité qui laissa peu de loisirs à Mérimée, les preuves sont accumulées dans les archives de la Commission des monumens historiques. Mais lui-même a publié plusieurs de ses rapports, dans quatre volumes : Notes d’un voyage dans le Midi de la France ; Notes d’un voyage dans l’Ouest de la France ; Notes d’un voyage en Auvergne ; Notes d’un voyage en Corse. D’autres rapports ont été recueillis dans une étude sur les Monumens historiques de France de M. Du Sommerard, et dans les Notes sur Mérimée, de M. Chambon. Enfin la correspondance nous montre, sous une forme plus familière, l’inspecteur en tournée. Nous avons donc entre les mains tout le nécessaire pour connaître les impressions de voyage de Mérimée, ainsi que ses idées sur l’art et l’archéologie.

Il adore voyager. Tout le long du chemin, il peste contre les carrioles et les auberges ; en Bretagne, il trouve les femmes repoussantes, les vivres médiocres et le patois inintelligible ; il entre en fureur contre la saleté de l’Auvergne, et maudit les punaises de la Corse. Mais ce sont là des propos comme en tiennent tous les voyageurs désireux de se donner des airs