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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/775

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MÉRIMÉE.

native de Toulouse, et dont il lui est loisible d’être le Henri IV. « Mais, dit-il, mélancoliquement, mes archéologues sont Saint-Simoniens et vertueux. » Évidemment, ses archéologues, comme il les appelle, gâtent un peu le plaisir de la promenade archéologique. « Quand je ne vais pas en voiture, — c’est encore une lettre à son ami Royer-Collard, — je me lève à neuf heures, je donne audience aux bibliothécaires, archivistes et autres espèces. Ils me mènent voir leurs masures. Si je dis qu’elles ne sont pas carlovingiennes, on me regarde comme un scélérat, et on ira cabaler auprès du député pour qu’il me rogne mes appointemens. (Déjà !) Pressé entre ma conscience et mon intérêt, je leur dis que leur monument est admirable et que rien dans le Nord ne peut y être comparé. Alors, on m’invite à dîner, et on dit dans le journal du département que j’ai bougrement d’esprit. On me prie de déposer une pensée sublime sur un album. J’obéis en frémissant. Le soir on me reconduit à mon hôtel en cérémonie, ce qui m’empêche d’aller au vice. » De ses archéologues, il se vengera un jour en dessinant dans la Vénus d’Ille l’amusant portrait de M. de Peyrehorade. Mais, en attendant, les Perpignannaises le consoleront : « Il y a ici quantité d’Espagnolesses avec leurs mantilles, leurs grosses jambes catalanes et leurs pieds pointus microscopiques, mais le moyen de faire ses affaires avec une pluie comme celle qui tombe. Les gouttières sont ici admirablement dirigées pour achever ceux qui échappent aux ruisseaux. Je rentre trempé comme une soupe, sans autre profit que d’avoir vu la cathédrale qui est du xive siècle, et cependant à appareil réticulé, contre les principes classiques, et cinq ou six jarretières espagnoles au-dessous du genou, suivant l’usage. »

On se doute bien que cela n’est pas extrait des rapports expédiés par Mérimée à M. Guizot. Mais s’il n’allait pas jusqu’à prendre son ministre pour confident des menus divertissemens que lui apportait le voyage, il ne faut pas croire cependant qu’il n’usât du papier administratif que pour des descriptions architectoniques.

Aux considérations d’histoire et d’archéologie il mêle quelques paysages, les uns tracés à la manière classique, d’un trait délicat et sec, les autres où quelques touches brusques et ardentes font songer à certaines aquarelles de Delacroix. Par exemple, ce lever de soleil sur Vézelay : «… Le soleil se levait. Sur le vallon