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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/81

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me retint, m’emmena dans une embrasure de fenêtre, et, au milieu du cercle qui ne tarda pas à se former, s’expliqua, se traduisit, se commenta. — On avait cru le comprendre, on ne l’avait pas compris : il était animé des meilleures intentions, et au demeurant, comment ne voudrait-il pas la réforme ? Ne l’avait-il pas rendue inévitable ? N’avait-il pas donné la chiquenaude qui en avait opéré le déclanchement ? Que la Commission, à laquelle il avait présenté un texte, lui en présentât un autre, si elle trouvait mieux, et l’on causerait.

Entendons-nous. Il était parfaitement exact que la Commission, à ce moment, n’avait pas de texte à opposer au texte du gouvernement, et elle ne pouvait pas en avoir, puisqu’elle ne faisait que de commencer ses études ; mais il était, en revanche, parfaitement inexact que la majorité proportionnaliste n’en eût pas, puisqu’elle avait déposé, sous la signature de 24 de ses membres (M. Vazeille seul s’était réservé), quatre amendemens, portant sur huit articles du projet, et qui constituaient un contre-projet de représentation proportionnelle intégrale. Le gouvernement l’ignorait si peu que, dès le début de son entretien avec la Commission, M. Briand s’était plaint de la brusquerie du geste par lequel nous avions voulu le jeter dans les voies de la pure proportionnelle, et lui couper toute ligne de retraite. Mais, parlementairement, il n’en avait pas moins raison : ce que nous avions à lui soumettre, c’était une espèce de vœu, de desideratum, un programme, disons-le comme il le pensait, une élucubration à nous ; ce n’était pas un texte, délibéré, arrêté, voté par la Commission.

Pour « causer » utilement, dans les cas épineux, il n’est rien de tel que d’écrire. Sur trois ou quatre points, avant toute chose, la Commission avait besoin de connaître l’opinion de M. Briand, et d’être sûre que cette opinion était bien l’opinion du gouvernement. Un de ces points dominait tous les autres. « La commission de recensement général des votes, disait l’article 9 du projet de loi, constate le nombre total des électeurs inscrits, et détermine, en divisant ce nombre par celui des députés à élire dans via circonscription, le quotient électoral. » Ce paragraphe seul rendait le projet inacceptable. En effet, pour qu’il eût pu être accepté, il eût fallu que certainement ne fussent inscrits sur nos listes électorales ni les militaires, qui ne votent pas tant qu’ils sont en service actif, ni morts, ni absens, ni inconnus. Il