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eût fallu que l’on cessât d’admettre les doubles inscriptions qu’autorise la loi « municipale » de 1884. Il eût fallu, enfin, que nous eussions en France des listes électorales « chimiquement pures, » et Dieu sait si nous en sommes loin ! Mais le danger d’une telle disposition apparaissait plus grand encore, quand on rapprochait du paragraphe 1er de l’article 9 le cinquième paragraphe ainsi conçu : « Si, après les dites attributions, il reste des sièges à pourvoir, elle (la commission de recensement) proclame élus les autres candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages, quelle que soit la liste sur laquelle ils figurent. » Quoique la forme atténuée masquât un peu l’intention, qui avait été et qui demeurait de faire accroissement à la majorité de tous les sièges non pourvus par la première répartition ; comme, d’une part, il est rare qu’au scrutin de liste, il y ait, entre les candidats d’une même liste, un écart sensible de suffrages ; comme, d’autre part, la règle une fois adoptée de calculer le quotient en prenant pour dividende le nombre total des électeurs inscrits, et, par là, en élevant sensiblement le quotient, aurait eu pour conséquence d’augmenter le nombre des sièges restant à pourvoir ; le procédé n’allait à rien de moins qu’à inviter à la falsification des listes, afin de faire plus large ce que M. Briand appelle, avec une belle franchise, « la part du prince. » Si le gouvernement persistait dans ce dessein, il n’y avait qu’à rompre. Et c’est pourquoi la première question de la Commission du suffrage universel (lettre du 14 décembre 1910) fut celle-ci : « 1° Le gouvernement accepterait-il, dans le paragraphe premier de l’article 9, la substitution du mot « volans » au mot « inscrits ? »

M. Briand répondit, le 24 décembre : « Bien que le gouvernement voie des avantages sérieux à calculer le quotient électoral d’après le nombre des électeurs inscrits, il est tout disposé à envisager la substitution du mot « votans » au mot « inscrits » dans l’article 9, paragraphe premier. »

La majorité proportionnante, entrant résolument dans l’esprit du système, et en vue de pousser à la constitution chez nous de partis nettement tranchés et fortement organisés, chacun avec son programme, son personnel et ses adhérens, réclamait « la liste bloquée ; » c’est-à-dire qu’ayant donné au parti, représenté en l’espèce par un certain nombre de « parrains, » le droit de composer sa liste, elle ne laissait à l’électeur que le