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plutôt que par conviction, n’aimait guère les puritains ; on dit qu’elle ne pardonna jamais à John Knox son pamphlet sur le gouvernement par les femmes. Dirigé contre Marie Stuart et Marie Tudor, ce pamphlet établissait d’une manière générale que les femmes sont incapables de régner, elle prouvait d’après l’Écriture et les Pères de l’Église. Inspiré principalement par sa haine contre le gouvernement alors en vigueur en Angleterre et en Écosse. Knox érigea pourtant sa thèse en maxime générale. Élisabeth ne s’y trompa point ; malgré les dénégations de l’auteur qui soutint sous Marie Tudor que sa thèse était générale et sans application personnelle, et sous Élisabeth qu’il n’en voulait qu’à Marie Tudor, elle sentit bien toute la haine et le mépris des femmes qui perçait dans toutes ses expressions. Ce qui s’y remarque tout autant, c’est l’hypocrisie, et c’est là un trait de la physionomie du puritain qu’il importe de considérer de plus près. Il est trop facile de condamner le puritanisme en bloc comme hypocrisie, de ne voir dans ses manifestations religieuses que simagrées et affectation, dans son attitude morale que pruderie sans sincérité. Évidemment il y a de tout cela, et même assez souvent, car de pareilles doctrines, soutenues par le terrorisme, y conduisent nécessairement. Mais les sincères, les convaincus, les fanatiques sont nombreux. Nous avons un exemple d’hypocrisie manifeste chez Cromwell, semble-t-il, lorsqu’au siège de Tredah en Irlande, il avoue avoir fait passer au fil de l’épée un millier de personnes qui s’étaient réfugiées dans une église, tandis qu’un peu plus tard il écrit : « Il ne faut pas faire périr les hommes parce qu’ils ne veulent pas adopter notre foi. » Aussi Clarendon et Bossuet n’hésitent-ils pas à voir en lui un hypocrite consommé. Pourtant, il est tant d’occasions où il semble sincère, qu’on hésite à croire à une duplicité toujours calculée et réfléchie ; l’inconscience y a aussi sa part ; mais qui pourrait dire dans quelle proportion ?

Le « cant » anglais ne s’exprime pas tout à fait exactement par le mot hypocrisie. C’est souvent, si l’on ose juxtaposer ces deux mots, une hypocrisie sincère, c’est-à-dire le sentiment qu’il est nécessaire et même moral de faire semblant de ne pas voir certaines choses, de cacher à autrui, et jusqu’à soi-même autant que possible, certaines exigences de la nature humaine, quitte à y satisfaire sans en parler, et presque sans se l’avouer à soi-même. Ce que l’on désapprouvé, on se refuse à en