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religieuses qui est essentiellement anglais, et tient même du puritanisme. Aussi cette légèreté dans les mœurs, cette littérature scabreuse, ne durèrent-elles pas. Elles étaient contraires au génie de la nation : réaction violente contre une compression exagérément sévère, importation de l’étranger, elles n’eurent pas d’influence sur les couches profondes de la race.

Le puritanisme ne cesse pas d’exister sous la Restauration ; persécuté, il prend de nouvelles forces, et se développe assez librement après la Révolution de 1688. Vers le milieu du XVIIIe siècle, un mouvement religieux se dessine avec force chez le peuple. Enflammées par les vigoureux sermons de Wesley, des milliers de personnes se convertissent et vont ensuite, elles aussi, prêcher les mêmes doctrines. C’est un « réveil » assez analogue à celui qui s’est produit récemment dans le pays de Galles, mais beaucoup plus important. Les mêmes phénomènes accompagnent ces conversions ; le pays tout entier est secoué par cette prédication simple, éloquente et surtout morale, et l’Eglise anglicane elle-même est portée par rivalité à plus de zèle. Désormais la religion jouera un rôle de plus en plus grand dans la vie de la nation ; la morale qui en découle, et qui est naturelle au tempérament de la race, va s’imposer de plus en plus rigoureusement jusqu’à embrasser la vie tout entière. Celle-ci s’en trouvera rétrécie, appauvrie : on pourrait croire à une maladie nationale, les puritains, les sectes dissidentes de toute sorte, en offrent les symptômes ; même l’anglicanisme s’en trouve infecté, et, chose étrange, elle se faufile jusque chez les catholiques et les libres penseurs.


VI

L’hédonéphobie a de nos jours les mêmes caractères qu’au XVIIe siècle, mais fixés, précisés, moins exagérés sans doute, et si bien passés à l’état de loi, d’habitude même, qu’ils ne suscitent plus guère de révolte. A part de rares exceptions, la nation anglaise est puritaine, — les uns volontairement, et parfois avec fanatisme, les autres inconsciemment, et quelquefois pour ainsi dire contre leur gré. Car cette haine, ou plutôt cette crainte du plaisir, cette méfiance à l’égard de la jouissance et de la beauté a été si bien imposée, dès l’enfance, depuis des générations, qu’il est rare qu’on y échappe tout à fait. Le tempérament