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seulement en vue du maintien de la paix, ils la lient en vue de toutes les éventualités qu’on ne peut pas prévoir et dont eux-mêmes ne sont pas les maîtres. Ils se réservent le droit de suivre les événemens, de combiner une politique et d’en tirer, le cas échéant, tous les avantages. » Voilà la vérité : le simple bon sens le dit, mais il était bon de le répéter pour dissiper les fausses interprétations qui ont couru. Le Sénat à peu près tout entier a applaudi le discours de M. Ribot, en quoi il a eu raison, car ce discours est de ceux qui honorent une assemblée. La parole fine, forte, compétente de M. Ribot produira une impression non moins bonne au dehors. Cette impression sera confirmée par le discours que, le lendemain, a prononcé M. Cruppi. M. le ministre des Affaires étrangères a passé en revue les divers États de l’Europe et il a caractérisé en quelques mois heureux les rapports que nous avons avec chacun d’eux. Ces rapports sont le plus souvent cordiaux et toujours courtois et corrects. Comme M. Ribot. M. Cruppi a protesté contre le pessimisme exagéré qui a soufflé sur l’imagination des honorables interpellateurs. Il a assuré qu’il n’y avait pas lieu d’éprouver des inquiétudes : cependant il a reconnu qu’il y avait des difficultés. Il y en a, en effet, mais nous en avons éprouvé de plus graves, et nous en sommes sortis.


De toutes ces difficultés, l’état actuel du Maroc présente les plus immédiates : on n’y échappera qu’à la condition de conserver un parfait sang-froid. La situation est trop complexe pour que nous la traitions à cette fin de chronique, et nous aurons certainement à y revenir : contentons-nous de dire qu’elle n’a rien de nouveau et que si on veut, comme on l’affirme, continuer au Maroc la même politique que par le passé, il n’y a pas lieu de prendre des mesures nouvelles. Malheureusement, dans cette question du Maroc, on a plus d’une fois parlé dans un sens et agi dans un autre, et nous ne sommes pas surs d’en avoir fini avec ces contradictions. M. le ministre des Affaires étrangères a montré, sur ce point particulier, un peu plus de nervosité que les circonstances ne le comportent. Il a prévu le cas où la sécurité de nos nationaux serait compromise à Kez et où nous aurions alors à exercer les droits qui nous ont été reconnus de faire la police du Maroc. M. Ribot lui a répondu que ce droit ne nous a été reconnu, ou ce devoir imposé que dans un certain nombre de ports, et qu’il est impossible de faire la police du Maroc sans en faire d’abord la conquête dont personne ne veut, ou dont tout le monde déclare ne pas vouloir, ce qui n’est peut-être pas tout à fait