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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/964

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la même chose ; et M. Ribot a prévenu M. le ministre des Affaires étrangères contre les dangers d’une politique que certainement le pays et les Chambres n’approuveraient pas. Il semble vraiment, et ce n’est pas non plus la première fois que la chose arrive, que le gouvernement de la République ait fait aux gouvernemens étrangers des confidences plus abondantes ou plus précises qu’aux Chambres-françaises : nous n’en voulons pour preuve que l’excitation qui s’est aussitôt produite en Espagne et qui s’est traduite non seulement dans le langage des journaux, mais dans celui du gouvernement. Le ministère espagnol vient de traverser une crise. Une discussion sur la condamnation et l’exécution de Ferrer a provoqué dans le Cabinet des divisions qui l’ont amené à se démettre ; mais le Roi a maintenu sa confiance à M. Canalejas qui a fait un Cabinet nouveau avec lequel il s’est présenté devant le parlement. On s’attendait à des débats difficiles, lorsque la question du Maroc a surgi et supprimé toutes les autres. M. Canalejas a tenu un langage grave, un peu mystérieux ; il a demandé la confiance de la Chambre en lui donnant la ferme assurance que le gouvernement ne faillirait pas à son devoir, et que toutes les mesures étaient déjà prises pour cela. Aussitôt le patriotisme espagnol a supprimé toutes les dissidences ; le silence s’est fait autour des questions qui hier encore semblaient brûlantes ; on n’a plus pensé qu’au Maroc et on a attendu les événemens. Le discours de M. Cruppi au Sénat, bien qu’il ait été un peu imprudent sur le point que nous avons signalé, n’explique pas à lui seul l’émotion de l’Espagne : il semble bien qu’il y ait eu quelque chose de plus On fait des préparatifs militaires de l’autre côté des Pyrénées ; nous n’avons nullement lieu d’en prendre ombrage ; nous serions toutefois bien aises de savoir ce que cela veut dire et sans doute nous le saurons bientôt. En attendant, nous continuons de croire que la politique d’hier, politique sage et temporisatrice, était et est toujours la bonne. Mais il ne suffit pas de l’approuver : il faut encore la pratiquer. »


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.