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indépendante. » Après ses tristes expériences préalables avec Goethe et avec Lenz, Frédérique aurait donc connu pour la troisième fois l’amertume et la déception sentimentale.


VIII

Ces révélations du docteur Froitzheim provoquèrent un véritable orage dans les paisibles sphères de l’érudition gœthéenne, et de généreux champions s’élancèrent aussitôt dans la lice pour défendre la réputation encore une fois menacée de Frédérique. On rappela que son nom figurait très souvent à titre de marraine après 1787 dans les registres paroissiaux des différentes localités qu’elle habita : or cette qualité de mère spirituelle n’est jamais accordée en Alsace qu’à des femmes de réputation sans tache. On insista sur les amitiés honorables qu’elle sut mériter dans son âge mûr. On ne voulut voir dans les souvenirs de Gambs qu’une imitation à la fois médiocre et outrée des Mémoires de Goethe. En un mot, l’on fit si bien pour effacer l’impression du livre de Froitzheim qu’un ouvrage encyclopédique fort estimé en Allemagne, le Meyers Conversationslexikon, affirmait dans une toute récente édition que les tentatives plus d’une fois renouvelées pour ternir le renom de Frédérique pouvaient être considérées comme ayant complètement échoué.

Cette assertion, beaucoup trop péremptoire à son avis, engagea le professeur Froitzheim à la riposte. A cet effet, il prépara la publication in extenso des souvenirs de Gambs qu’il augmenta de nombreuses notes et additions justificatives. La mort le surprit avant la réalisation de son projet, mais sa veuve a fait imprimer, l’an dernier, son travail, dont la publication est pour nous la très bien venue parce qu’elle nous permet d’apprécier, en connaissance de cause, la valeur du témoignage de Gambs. Certes, le pasteur se révèle dans ces pages autobiographiques comme un homme excellent, de sens honnête et de volonté droite ; mais en revanche, il s’y montre à peu près dépourvu de cet esprit de finesse que prônait notre grand Pascal, et fort peu capable au total d’un jugement éclairé sur les secrètes impulsions du cœur féminin.

Frédérique eut-elle vraiment sur l’étudiant les intentions qu’il lui prête ? Né de parens nécessiteux et désunis par la débauche du père, Gambs était de petite taille, et la variole l’avait