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les Brohan, Allan, Favart, Provost, Geffroy, Got, venaient s’y asseoir et causer tour à tour avec le roi Jérôme, le prince Napoléon, quelques princesses, tous les dignitaires de la cour impériale, tous les auteurs en renom. Musset, Gozlan, Sandeau, Murger et cent autres étaient les habitués, les familiers de ce cercle intime. J’y ai vu tellement de monde, et les places étaient à ce point recherchées, qu’un soir, Alfred de Musset, Augier et Théophile Gautier s’estimèrent fort heureux d’y trouver place… assis sur le tapis. »

Une épigramme qui plut beaucoup au foyer, c’est celle de Royer de Beauvoir à Mirés, quand celui-ci maria sa fille au prince de Polignac :


LE SANG POUR TROIS ET LE TROIS POUR CENT


A certain prince qui voulait
S’encanailler dans la finance,
Son futur beau-père disait :
« De l’honneur de votre alliance
Je suis vraiment très satisfait.
Mais votre faubourg est sévère,
Et notre famille est d’un sang
Que chez vous l’on n’estime guère. —
Ce scrupule est une misère !
Dit le prince en se rengorgeant.
J’ai du sang pour trois, cher beau-père ! —
Alors terminons cette affaire,
Mon prince ; j’ai du trois pour cent ! »


Arsène Houssaye, qui a crayonné tant d’originaux plaisans, potentats, amis, grands et petits collaborateurs de la Comédie, a cependant omis ce Giovanni qui eut les honneurs d’une causerie au foyer, où il pénétrait parfois, lorsqu’il ne trouvait pas ses cliens dans leurs loges ou dans les coulisses. Ligier qui le découvrit à Bordeaux, le fit attacher à la Comédie, où ses talens d’artiste capillaire furent appréciés, en même temps que sa folie de vanité amusait acteurs et habitués, car elle dépassa celle des grands coiffeurs de l’ancien régime, un Champagne, un Dagé, un Le Gros, un Léonard. Provost lui reprochant d’être resté au-dessous de lui-même dans la confection d’une perruque : « Que voulez-vous, monsu Provost, Molière lui-même… il n’a pas fait que des cé-d’œuvre ! » Giovanni, ayant achevé sa première perruque pour Delaunay qui venait d’être reçu