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l’ingéniosité des historiens. Il serait tout à fait inutile, autant qu’impossible, de donner une idée de l’immense accumulation de travaux qu’a provoqués cette période. Contentons-nous d’indiquer les derniers, ceux qui dispensent des autres et qui d’ailleurs y renvoient. Sur les invasions normandes, l’ouvrage de chevet, et pour l’heure à peu près définitif, qui résume, discuté et peut remplacer tous les autres, c’est celui de M. Vogel : die Normannen and das Frænkische Reich bis zur Gründung der Normandie (799-911), paru à Heidelberg en 1906. Le meilleur éloge qu’on en puisse faire, c’est de dire qu’il a découragé M. Lot, l’historien très qualifié de Charles le Chauve, de finir un travail qu’il préparait sur le même sujet. Mais M. Vogel n’aborde pas le traité de Saint-Clair-sur-Epte. M. Edouard Favre n’a pas davantage à en parler dans son étude sur Eudes, comte de Paris et roi de France (1893), mais en appendice il a rendu le service de résumer les travaux Scandinaves contemporains. Seul, M. Eckel, dans son Charles le Simple (1899), consacre forcément un chapitre à « l’établissement des Normands en France. » Mentionnons enfin deux volumes parus en dernier lieu : la Normandie de M. Henri Prentout (1910), professeur d’histoire normande à l’Université de Caen, qui pose à merveille les questions à résoudre avec de précieuses indications bibliographiques, et notre Histoire de Normandie (1911), mise au point rapide des résultats acquis.

Dans quelles conditions se fit l’établissement des Normands ? L’idée de traiter pour se fixer quelque part et y rester ne leur serait pas venue au début. Les premiers vikings (enfans des fiords) ne pensent qu’au pillage. Ce sont des pirates, et la plupart du temps des pirates bannis de chez eux. Il ne faut d’ailleurs pas prendre le mot « pirates » au sens moderne : ce n’est pas sur mer qu’ils cherchent et trouvent du butin. Le commerce maritime à cette époque était peu actif, surtout sur l’Océan : il n’y avait pas grand’chose à récolter de ce côté. La mer est la route, le bateau est le véhicule, c’est sur terre que s’exerce le pillage. Sous le nom général de Normands (hommes du Nord) on comprenait au IXe siècle les peuples qui habitaient les deux péninsules complémentaires du Jutland et de la Scandinavie. Les pays Scandinaves étaient restés longtemps morcelés en une