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28 REVUE DES DEUX MONDES. pas; ils vous ordonnent avec moi de demeurer quelques années encore, pour m’aider dans cette œuvre de la grande pacification que je rôve et que, sans vous, assise à mes côtés sur ce trône, je serais impuissant à accomplir. Vous n’avez pas le droit de vous dérober à la tâche. Au nom de ces milliers d’invisibles qui nous entourent, je vous adjure: Fille du Ciel, restez!... (Un silence.) J’ai dit tout ce qu’il était en mon pouvoir de dire... J’attends votre arrêt... J’ai fini de parler... L’Impératrice, de plus en phis glaciale et absente, iiidiquant de la main le bijou cVor suspendu à la ceinture de l’Empereur. — Alors, maintenant, donnez! L’Empereur, dans une soudaine exaltation de désespoir. — Non ! non !... De mes propres mains, vous donner... Je ne peux pas!... Ayez pitié!... Je ne peux pas ! Je ne peux pas! L’Impératrice, durement. — Ah ! votre serment, sire, votre parole impériale... Donnez, voyons!... L’Empereur, après un silence encore, s’agenouille devant elle, arrache de sa ceinture la boîte d’or et la lui présente lentement, le visage caché contre terre.) L’Impératrice, après avoir ouvert la boite d’or, parlant dou- cement, et comme un enfant qui rêve. — En effet... de très petites perles qui brillent... Et la mort, c’est cela!... La paix, le néant, c’est cela!... (Elle porte les perles à ses lèvres, pins jette à terre la boîte d’or, et se lève exaltée. Triomphante, debout et dominant la salle, aux Invisibles qui sont dans l’air:) mes ancêtres, regardez-moi tous : ne suis-je pas glorieuse? Me voici à cette place d’où pendant des siècles vous avez dominé le monde, et c’est sur le trône, usurpé par le Tartare, que je vais mourir! Votre fille est restée digne de sa race: malgré la ten- tation surhumaine, elle a tenu sa parole. Ouvrez toutes grandes devant elle les portes funèbres : la voici, elle vient!... (Souriante et douce tout à coup, à l’Empereur resté agenouillé.) Et main- tenant que tout est accompli, approchez-vous, sire. (Elle le prend doucement par la main, pour lui indiquer de se relever et de s asseoir.) Une seconde fois dans sa vie, llmpératrice vous invite à vous asseoir,... comme jadis là-bas, vous souvenez- vous, un matin, dans mon palais qui n’est plus... (Elle se rassied sur le trône.) L’Empereur, en rêve. — Comme jadis là-bas dans vos jardins, l’inoubliable matinée... Autour de nous, ces grandes