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30 REVUE DES DEUX MONDES. vous! (Se levant dans un sursaut d’ épouvante . ) Vous ne m’avez pas trompée, au moins?... C’est bien la mort que vous venez de me donner?... Oh ! non, vous n’auriez pas fait cela... Vous êtes trop noble pour m’avoir tendu ce piège... L’Empereur. — Non, ma souveraine, non, je ne vous ai pas trompée; la mort, oui, elle est bien là, dans votre sein, toute proche et inéluctable... L’Impératrice. — Ce sera lone:?... Combien de minutes ’& encore L’Empereur. — Des minutes?... Oh! des secondes à peine... C’est tout de suite que vous allez m’échapper dans le néant... La frêle enveloppe dorée, qui brillait, vous protège encore... Dès qu’elle se dissoudra... L’Impératrice. — Je souffrirai! L’E.MPEREUR. — Non! L’Impératrice. — Comment passerai-je, dites? L’Empereur. — Là, dans vos tempes, vous croirez entendre comme si l’on sonnait pour vous la grande cloche d’honneur... Et puis, un vertige,... et soudain ce sera réteruelle paix... (Use relève et déchire ses vêtemens.jO dieux, si vous êtes capables de miséricorde, abaissez sur moi vos regards, ayez pitié!... L’Impératrice, d’abord très lentement, marchant sur l’estrade du trône, comme en rêve. — Oi vais-je?... Qui me dira où je vais, où je serai tout à Theure?... Les Morts, les Ombres, que peut leur importer l’emploi de ce dernier lambeau de ma vie, qui n’aura pas de durée?... A présent que j’ai tenu ma paro!e, qu’au moins il m’appartienne, ce suprême instant, qui pour nous vaut l’éternité... [A l’Empereur.) Qu’il m’appartienne... et que je vous le donne! (Elle se rassied sur le trône.) Viens près de moi, mon époux, mon maître, mon Dieu... (L’Empereur s’ assied près d’elle, d’abord comme avec une sorte de crainte reli- gieuse.) Viens, je veux appuyer ma tête sur ton épaule, pour mourir... (L’E?npereur l’enlace de ses bras.) Vois-tu, nous étions comme deux astres, séparés par l’incommensurable abîme, mais qui se jetaient éperdument leur lumière... Et à présent, l’abîme est franchi, et mon mortel ennemi pleure d’amour entre mes bras... Approche aussi ta poitrine, plus près, tout ton être, que je m’en aille comme en toi ! h’EMPKREUR, l’esseri^ant/étreiîite. — En moi, et avec moi, car JG te suivrai, va, mon beau Phénix qui m’échappe et s’envole...