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n’a ainsi pas vu l’effet que cette lettre m’a produit ! A peine parti, je l’ai ouverte et ai manqué d’en mourir. Le persiflage, la menace que ce Buonaparte, dont j’ai vu et suivi de près toute l’histoire, se permet envers moi, fille de Marie-Thérèse, a manqué me tuer. J’ai tâché depuis de me calmer et de vouer au mépris et à sa juste valeur la lettre et celui qui l’a composée. »

Elle s’est demandé d’abord si elle répondrait, puis a fait deux ou trois brouillons et a fini par écrire une lettre, « dont la modération étonnera Gallo, dit-elle, mais cela est nécessaire dans l’intérêt de ses sujets. Si l’intention de Napoléon a été de me pousser à bout, c’est fait depuis longtemps ; si c’est pour m’avilir ou m’intimider, il se trompe fort, car ce n’est pas une âme comme la mienne qu’on intimide ou qu’on avilit. » Il est de fait que sa réponse, toute modérée qu’elle soit, n’est pas d’une femme intimidée, ni qui entend changer de conduite. Elle le prouve encore en hésitant à reconnaître Napoléon comme roi d’Italie et elle veut savoir par Gallo ce qu’il entend par ce titre et quelles seront les bornes de ce royaume. » Nous périrons écrasés par la violence, dit-elle, mais nous périrons avec honneur, et en nous opposant à l’exécution de ses desseins par tous les moyens qui sont en notre pouvoir. »

Napoléon insiste, le 24 février, sur le renvoi du général de Damas et écrit encore à la Heine, mais sur un ton moins menaçant, tout en lui faisant comprendre qu’il connaît ses actes et ses plus secrètes pensées. Il lui dit que si tout est variable dans les sentimens humains, « les règles d’une véritable politique sont les seules choses qui ne changent jamais. Toutes les personnes qui viennent de Naples, remarque-t-il, s’accordent à dire que Votre Majesté ne dissimule pas la haine qu’elle porte à la France… La modération et la justice qu’Elle veut bien voir dans mon administration n’ont pas réussi à me concilier entièrement son amitié. Elle me juge sans doute assez bien pour croire que je ne suis pas surpris de ses dispositions et que la seule chose qui m’étonne, c’est de reconnaître tous les jours qu’une Heine, qui a souvent régné avec succès, ne sait pas que le malheur attaché à la condition des Rois est d’avoir à dissimuler fréquemment des sentimens que, simples particuliers, ils auraient le plus de peine à maîtriser. Tout ce que m’a dit, M. de Gallo me fait concevoir l’espérance que Votre