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Majesté prendra d’autres sentimens à notre égard ; si je puis un jour me vanter d’avoir obtenu ce changement, ce sera une conquête que je tiendrai à honneur, soit par l’estime particulière que je fais de votre personne, soit par le chemin qu’il aura fallu regagner dans votre cœur, qui ne peut cependant être entièrement fermé à une nation dont vous aimez la langue et la littérature, et dont vous avez souvent prisé l’amabilité. » L’Empereur ajoute qu’il maintiendra ses troupes dans les Etats de Naples, en vertu du traité de Florence. Il regrette le patronage de la Russie sur ce royaume, car il lui sera plus funeste que la Révolution même. Il plaint la Reine d’attirer les orages, au lieu de les conjurer, et de ruiner son peuple pour soulever avec effort un grain de sable à jeter dans la balance du monde. « Votre Majesté trouvera sans doute, dit-il en terminant, que ma lettre est pleine de sermons : peut-être même y verra-t-elle des choses désagréables pour Elle ; mais il lui sera impossible de ne pas reconnaître que, dans mon impartialité et dans la position où je suis, je n’ai d’autre but que sa tranquillité personnelle, celle de sa famille et le repos de son peuple. »

Le 13 mars, Marie-Caroline répond à Napoléon que ce qu’elle a écrit dans un moment de vivacité ne peut être considéré comme une correspondance politique et réfléchie. Elle promet pour l’avenir une conduite qui ne justifiera aucun sujet de plainte. Elle nie tout armement sérieux, toute menace et toute pensée hostiles. Elle a éloigné, comme il le voulait, le général de Damas qui, cependant, était un officier sans reproches. Elle ne souhaite que la bonne intelligence et l’harmonie entre leurs Etats, mais, en même temps, le départ de troupes qui sont une oppression pour le royaume. Si l’on s’en tenait aux termes de cette lettre, on croirait à sa franchise ; mais, pendant que la Reine protestait de sa neutralité et de son amitié pour la France, elle continuait à armer et à s’entendre avec l’Angleterre. La Russie envoie alors à Naples le général de Lascy, désigné pour commander les troupes de Gorfou. L’Angleterre et la Russie signent en même temps un traité contre l’Empire français. Napoléon vient se faire couronner roi d’Italie à Milan, et le roi de Naples consent enfin à le reconnaître tel, mais il persiste à correspondre avec Malte et Corfou. Talleyrand, sur l’ordre de l’Empereur, insiste pour réclamer la neutralité de Naples, dont la conduite oblique soulève des inquiétudes.