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rapidement sur la capitale : les cadres devaient en être français. Le général Moinier a reçu l’ordre de se prêter à ce désir, et il s’est mis immédiatement à l’œuvre ; mais, soit qu’il ait rencontré des résistances imprévues, soit qu’il ait cru, non sans raison, qu’il fallait se hâter, il a formé, en même temps que la mehalla chérifienne, une « colonne volante » destinée à marcher aussi sur Fez. Cette fois, le général Moinier a rencontré, non plus des résistances, mais des difficultés ; les moyens de transport lui faisaient défaut : il lui fallait, disait-il, 1 000 chameaux et 2 000 mulets ; il lui fallait aussi beaucoup d’hommes, car la sécurité de la colonne exigeait l’établissement de tout un chapelet d’étapes fortement occupées entre la Chaouïa et la capitale. Nous avons déjà envoyé plus de 40 000 hommes dans la Chaouïa où nous en avions déjà 8 000 : il y en aura bientôt plus de 20 000. Nous en avons réuni 10 000 autres sur la rive droite de la Moulouïa, que nous avons déclaré ne plus vouloir franchir tout en sondant les gués par où nous pourrions passer. Certes, ces troupes sont très insuffisantes pour une véritable expédition ; il faudrait 80 ou 100 000 hommes et dix ou quinze ans de combats pour opérer vraiment l’occupation du Maroc ; mais, lorsqu’on se demande à quel genre d’expédition elles correspondent, on reste dans une pénible incertitude sur le danger de faire trop ou trop peu. Le malheur est que le gouvernement ne semble pas avoir jamais bien su ce qu’il voulait faire. Il y a quelques jours, il se refusait encore à aller à Fez. Les journaux qui suivent ses inspirations, aussi bien que ceux qui cherchent à lui imposer les leurs, discutaient sur le choix du point où on s’arrêtait dans les environs de la ville. Serait-ce à 60 kilomètres ou à 80 ? Serait-ce en deçà de telle montagne, ou au-delà ? Ces discussions commencent à devenir oiseuses. Nous souhaitons vivement qu’on puisse s’arrêter avant d’arriver à Fez ; mais le pourra-t-on ? On est maître de ne pas s’engager dans une opération dangereuse : lorsqu’on l’a fait, une logique implacable oblige d’aller jusqu’au bout.

Les journaux se sont demandé pourquoi, pour aller à Fez ou dans la direction de Fez, nous avons pris la route de la Chaouïa, au lieu de prendre celle qui part de la frontière algérienne et passe par Taza. La question s’est présentée en même temps à tous les esprits, et rien n’était plus naturel : de tout temps, en effet, on avait entendu dire que le chemin le plus simple pour aller à Fez était celui de Taza. Subitement tout est changé, et on a quelque peine à en comprendre le motif. Comme on ne peut pas dire que la route de la Chaouïa soit la plus courte, on assure que c’est la plus facile, et on aperçoit pour