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la première fois dans celle de Taza des obstacles qu’il est bien surprenant qu’on n’y ait pas aperçus plus tôt. Rien de plus déconcertant que la facilité avec laquelle on passe d’une thèse à une autre, et on trouve des argumens pour défendre aujourd’hui celle-ci comme on en trouvait hier pour défendre celle-là. Ces transformations déroutent l’esprit public et le portent au scepticisme. Nous espérons que nous arriverons à Fez en temps opportun : s’il en était autrement, la responsabilité de ceux qui ont pris le chemin le plus long serait très lourde.

Un autre étonnement, encore plus pénible, a ému l’opinion, lorsqu’on a vu le gouvernement composer le corps expéditionnaire de pièces et de morceaux pris un peu partout. Cela s’était fait autrefois pour des expéditions du même genre, et les inconvéniens s’en étaient aussitôt manifestés. Les corps ainsi formés manquent toujours d’homogénéité ; ils sentent l’improvisation ; ils appauvrissent l’armée continentale. C’est pourquoi la nécessité d’avoir une armée coloniale avait alors paru évidente. On nous avait donc annoncé qu’on allait faire une armée coloniale et, bientôt après, qu’elle était faite. Ou cela ne voulait rien dire, ou cela signifiait que, dans le cas où une expédition coloniale s’imposerait à nous, nous pourrions y procéder sur-le-champ sans avoir à emprunter à l’armée continentale, réduite aux forces indispensables, des élémens de combat dont la distraction l’affaiblirait. Nous dormions, hélas ! dans une fausse confiance. Quand on a cherché l’armée coloniale, on ne l’a pas trouvée. M. le ministre de la Guerre a dû recourir aux procédés d’autrefois ; il a écorné ou écrémé les régimens de la métropole, et nous avons eu le spectacle lamentable de formations hétérogènes, faites à la hâte et pourtant avec lenteur, dans les conditions les moins propres à nous rassurer. M. Berteaux s’en est expliqué dans des interviews nombreuses ; il s’est décerné à lui-même des satisfecits qu’en somme il serait peut-être injuste de lui disputer. Ce n’est pas sa faute si la situation est ce qu’elle est ; il s’en est tiré comme il a pu. Le reproche ne s’adresse pas à lui, soit ; mais enfin, nous n’avons pas l’armée coloniale sur laquelle nous comptions. Lorsque le gouvernement s’est engagé comme il l’a fait dans l’affaire marocaine, savait-il à quoi s’en tenir à ce sujet ? S’il le savait, il a commis une grande imprudence ; s’il ne le savait pas, son ignorance n’est pas pour lui une excuse.

Nous voudrions n’avoir pas à parler de la situation internationale, mais comment négliger cette partie de notre sujet ? Les événemens ont assez montré depuis quelques années que la question