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silencieuse, faite de mutuelle confiance, un admirable enseignement religieux avait été distribué aux petits écoliers catholiques de l’Allemagne ; sans que leurs droits respectifs fussent bien clairement formulés, le maître et le curé s’étaient entendus pour une œuvre féconde. Aujourd’hui, l’on discutait les conditions de l’entente ; et l’on discutait en cessant même de s’écouter. Au contact de deux âmes vivantes, d’une âme de prêtre et d’une âme d’instituteur croyant, s’associant pour élever d’autres âmes, succédait le heurt entre deux thèses qui n’étaient susceptibles d’aucune conciliation.

Dans le diocèse de Trêves, l’Église considérait les instituteurs comme investis de la mission canonique par le seul fait qu’un commissaire épiscopal assistait à leur examen ; dans le diocèse de Paderborn, elle les obligeait à réciter le Credo de Trente. Une telle variété de procédure permettait à l’État d’opposer à la pratique d’un diocèse celle du diocèse voisin. L’Eglise à son tour observait que, dans certains districts, les prêtres étaient contraints d’assister, en témoins silencieux, à l’enseignement religieux ; qu’ailleurs même, en raison des bagarres du Culturkampf, l’accès de l’édifice scolaire leur était refusé. La difficulté devenait plus complexe encore, et la solution plus incertaine, lorsque le prêtre prétendait, dans la classe même, compléter l’enseignement religieux donné par l’instituteur. Falk ne voulait pas que, sans le consentement de l’État, l’Église introduisît dans l’école un livre d’enseignement religieux ; il affirmait son pouvoir en excluant certains catéchismes qui depuis longtemps y régnaient. Et puis, le 18 février 1876, il lançait une despotique circulaire, d’après laquelle l’instruction religieuse, matière obligatoire du programme, ne pouvait être donnée à l’école que par les fonctionnaires de l’Etat et sous les auspices de l’État : le prêtre admis à la direction de cet enseignement pouvait être évincé dès qu’il serait suspect à l’Etat ; et tel fut le cas, de 1873 à 1877, pour 2 768 prêtres ; dans les différends qui s’élèveraient entre le prêtre et l’instituteur, le pouvoir civil serait le juge ; et l’école, enfin, pourrait, suivant les circonstances, être ouverte ou fermée aux leçons supplémentaires de religion par lesquelles les prêtres préparaient les enfans à la première communion. Il n’était question, dans la circulaire, d’aucune mission canonique donnée par l’Église aux maîtres : la prérogative traditionnelle de l’Église était lésée. Aussitôt, dans toutes les provinces, les pères de famille