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d’Ahrimane. Sur l’encens de ton amour, sur l’éclair de ta pensée, je me suis approchée, moi aussi, de la splendeur d’Ormuz. Enfin nous allons boire la coupe de la vie immortelle à la source de la lumière !…

Et la belle Ardouizour, transfigurée en l’Ange de la Victoire, se jeta au cou de Zoroastre comme l’épouse se jette au cou de l’époux, lui présentant à boire la coupe écumante de l’éternelle jeunesse. Alors il sembla au prophète qu’une onde de lumière et de feu le submergeait tout entier. Du même coup, Ardouizour avait disparu, mais elle avait pénétré de part en part son sauveur. Maintenant Ardouizour vibrait au cœur de Zoroastre. Elle regardait par ses yeux ; il regardait par les siens, et tous deux voyaient la gloire d’Ormuz. Désormais ils étaient un. Zoroastre sentait qu’Ardouizour pouvait s’envoler au loin sans se séparer de lui, — ou se fondre à son essence sans cesser d’être elle-même.

Et tout à coup, abaissant ses yeux vers la terre, le prophète vit les Aryas s’avancer en longues caravanes, par tribus et par peuples. Ardouizour marchait à leur tête et les conduisait vers l’Occident… Ardouizour devenue… l’âme de la race blanche.


* * *

Quand les trois disciples voulurent rejoindre leur maître, ils ne le trouvèrent plus. Dans la grotte, il n’y avait que son bâton de voyage et le gobelet d’or qui lui servait pour verser la liqueur fermentée dans le feu. Ils cherchèrent partout, mais en vain. Au sommet de la montagne, il n’y avait aucune trace du prophète. Son aigle familier planait seul sur le gouffre et lorsqu’il frôlait les flancs de la caverne, d’un fort battement d’aile, il semblait y chercher encore le frère de sa solitude, le seul homme qui avait osé — comme lui — regarder le soleil en face.


EDOUARD SCHURE.