Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/616

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MÉNELIK

Les dépêches d’Addis Ababa annoncent que le jeune prince Lidy Yassou va être couronné roi des rois d’Ethiopie. Les personnages qui commandent encore au nom de Ménélik estiment cette manifestation nécessaire à la consolidation de son œuvre. Le moment est donc venu d’essayer de donner au public une idée de ce que fut l’étrange carrière du Négous auquel ses collaborateurs jugent prudent aujourd’hui de donner un successeur.

Le grand Africain qui vient d’entrer dans l’histoire puisque, s’il n’est pas encore matériellement mort, il ne traîne plus dans un coin du Guébi d’Addis Ababa qu’un reste de vie animale, se révéla au gros de l’opinion européenne par son triomphe du 1er mars 1896. Le vainqueur d’Adoua sauvait l’indépendance éthiopienne, il provoquait la chute du régime crispinien ; il apparaissait ainsi comme un facteur de la politique internationale. L’intérêt général se porta sur ce Roi des Rois d’Ethiopie, mais pour en faire bien plus un personnage de légende qu’un homme dont l’œuvre et le caractère apparaissaient clairement. Peu nombreux furent les témoins du drame qui se demandèrent dans quelles circonstances et par les efforts de quel génie l’acteur principal avait pu préparer le coup d’éclat du dénouement ; bien peu avaient suivi la politique grâce à laquelle Ménélik fit échapper la région sur laquelle il régnait au partage de l’Afrique que les Européens dépecèrent avec tant de hâte dans les vingt dernières années du XIXe siècle.

Il est vrai que les informations manquaient, et ont continué à manquer depuis, qui auraient permis de substituer l’exactitude à la légende. Pour comprendre la réalité