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pendant cinquante années, qui fut immédiatement vendue à des Compagnies d’assurances pour un capital de 1 1400 000 francs.

Cette somme, employée en grande partie à rémunérer les prêts exorbitans dont nous avons parlé, ne permit pas à la Compagnie de vivre longtemps : à la fin de 1902, la voie atteignait Dire Daouah, mais sur une grande partie de ces 310 premiers kilomètres, elle n’avait ni ponts ni ballast. Le rail ne dépassa plus ce terminus provisoire, encore en plein désert Danakil, et, après que l’on eut épuisé les moyens de fortune pour payer les coupons des obligations qui commençaient à être émises comme des assignats, les mêmes financiers anglais reparurent sous la forme nouvelle de l’International Ethiopian Railway Trust, destiné à se greffer sur la Compagnie française comme le champignon sur l’arbre.

C’est à partir de ce moment que l’action de ces élémens étrangers se mêla étroitement à la politique. Il n’était plus possible pour eux de faire rémunérer leurs combinaisons ingénieuses par de nouveaux subsides de l’Etat français. Les Chambres, avant de les voter, eussent sans doute exigé une enquête nécessairement fâcheuse pour les intéressés. Aussi, pour liquider dans l’ombre un passé compromettant et pour continuer à gagner sur cette affaire, lancèrent-ils l’idée de l’internationalisation du chemin de fer qui les faisait entrer étroitement dans le jeu que sir John Harrington et son collègue italien, le major Ciccodiccola, menaient à la cour du Négous.

L’internationalisation, c’était, pour les financiers, la possibilité de créer une entreprise beaucoup plus vaste dans laquelle s’absorberait, sans enquête, la Compagnie si mal en point. Cette sorte de novation permettrait donc d’éviter la publicité et les conséquences possibles d’une liquidation judiciaire. De plus, l’internationalisation, s’accompagnant du mirage de la concession d’un vaste réseau ferré éthiopien, pouvait servir à attirer les alouettes de l’épargne française ; elle aurait été le prétexte de quelque grosse émission permettant de clore et de liquider avec un substantiel profit toutes les opérations antérieures. Et, comme nous l’avons dit, une telle combinaison servait admirablement la diplomatie de sir John Harrington. Ce représentant de la politique britannique n’avait certes aucune objection à l’emploi d’abondans capitaux français en Ethiopie. Là comme ailleurs, on aurait vu avec plaisir notre capital, satisfait,