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Il dort dans la splendeur délicate des fresques,
Dans la grâce des tons nuancés et ternis ;
Ce sont des entrelacs qui courent, infinis,
Et, sur le saint Mihrab, de folles arabesques ;

Au dehors, c’est l’enclos ensoleillé, le mur
Où rit un bleu carré de faïence ; c’est l’arbre,
Le grêle tamaris ; la fontaine de marbre
Où s’égoutte sans bruit un flot égal et pur…

— Adieu, mosquée, adieu, cour, vous que je préfère
À des jardins plus beaux, ô doux jardin reclus !
Adieu. Je pars demain… Je ne reviendrai plus,
Peut-être plus jamais dans ce coin du vieux Caire.



LA PETITE MORTE

«… et la petite, de son côté, dit à son père : Essuie tes larmes — Les mortels sont malheureux. »
Philetas de Samos.


Pourquoi pleurer ainsi, mon père, sur la tombe
Où je repose en paix ? Lorsqu’une larme tombe,
Amère, de tes yeux le long du marbre froid,
Songe qu’alors frissonne avec un peu d’effroi
Ma cendre, car j’apprends qu’il existe des larmes.
— Je n’étais qu’une enfant rieuse et sans alarmes,
Jadis ; tu me berçais avec des mots très doux,
Et souvent tu me pris, père, sur tes genoux
Pour me conter tout bas quelque belle légende.
Mes doigts se blottissaient, petits, dans ta main grande ;
Je comprenais déjà tes sages entretiens
Quand nous allions, mes pas d’enfant suivant les tiens,
Jusqu’à la source fraîche où de vieux saules ploient…
Et je ne connaissais du monde que les joies !