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discutée de divers côtés et sur laquelle j’estime cependant qu’il serait facile de s’entendre.


Je crois d’abord que l’existence de la responsabilité atténuée ne peut pas être médicalement niée ni contestée : entre les criminels bien portans à responsabilité totale et les criminels fous à irresponsabilité avérée, il y a tout un groupe, très considérable, de criminels dont la responsabilité est atténuée, ceux que, pour abréger, j’appelle des demi-fous demi-responsables[1].

Il va sans dire que je ne veux rouvrir aucune discussion philosophique sur le sens du mot « responsabilité. » Le mot est peut-être mauvais ; mais, tant qu’on n’en a pas fait accepter un meilleur, il faut s’en servir dans le sens que lui donnent les magistrats quand ils chargent un médecin expert d’examiner un inculpé et de dire s’il est ou non responsable de l’acte pour lequel il est poursuivi.

L’emploi du mot responsabilité n’implique aucun acte de foi dans l’existence du libre arbitre, ni de la part des magistrats, ni de la part des médecins.

Qu’on admette ou non l’existence d’une âme spirituelle et libre, il est indiscutable que, dans la vie actuelle telle que nous l’observons, l’homme ne peut sentir, penser et vouloir normalement que si son corps matériel est intact et normal ; plus spécialement encore, si, dans le cerveau, les cellules ou neurones, que nous appelons psychiques, sont intacts et normaux.

Dans certaines maladies, dont la lésion est bien connue et bien localisée dans le cerveau (et dans l’écorce du cerveau), comme la paralysie générale, la pensée du sujet est troublée par des idées de grandeur ou de persécution, sa sensibilité est abolie ou pervertie, sa volonté est faussée par des impulsions et des hallucinations ; il est évident que, dans ces conditions, sa responsabilité est abolie ou tout au moins profondément modifiée.

D’une manière générale, la folie, qui est une maladie du cerveau (ou plutôt la tête de chapitre d’un grand nombre de maladies du cerveau), la folie trouble la responsabilité.

Donc, quelle que soit la doctrine philosophique que l’on professe sur la responsabilité morale, on est bien obligé d’admettre

  1. Voyez la Revue du 15 février 1906.