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Ils se distinguent ainsi complètement du fou irresponsable qui, lui, ignore toutes ces choses, né doit pas être mis en prison et na besoin que des soins médicaux immédiats dans un asile d’aliénés.

Nos criminels à responsabilité atténuée doivent donc être jugés et condamnés et aller en prison, puisqu’ils comprennent toutes ces choses. La société a le droit et le devoir d’employer, vis-à-vis d’eux, ses moyens de coercition et d’intimidation, puisque ce sont des moyens d’agir sur leur cerveau et, dans une certaine mesure, de les empêcher de recommencer.

Mais, en les punissant comme les bien portans, la société remplit-elle et épuise-t-elle tous ses devoirs vis-à-vis d’eux ? Faut-il traiter ces malades comme s’ils ne l’étaient pas ? La société ne doit-elle considérer que le crime commis et le préjudice causé sans se préoccuper de savoir si l’auteur de ce préjudice était malade ou sain d’esprit, avait ou non ses neurones psychiques normaux ?


Beaucoup de très bons esprits répondent à cette question par l’affirmative et pensent qu’on ne doit faire aucune différence entre les deux catégories de criminels.

« Quant à aller rechercher, dit M. Emile Faguet, des demi-responsabilités, des responsabilités plus ou moins atténuées, c’est une pure chinoiserie. » Il ne faut parler ni de responsabilité, ni même de culpabilité ; on n’a à rechercher que la nocivité de l’accusé. Quel péril cet homme, coupable ou fou, fait-il courir à ses semblables par sa manière d’être ? Voilà la seule question à poser. — Mais, alors il faut se défendre contre les fous et les criminels de la même manière ? — « Absolument de la même manière, » conclut M. Faguet.

Dans un autre article plus récent, mon éminent et toujours très aimable contradicteur rapporte (ou suppose) la conversation, suivante entre un médecin et le chef du jury qui condamna Menesclou.

« Quelques jours après l’exécution, le médecin vint trouver son ami, le chef du jury, et tout pâle, il lui dit : « Vous savez, Menesclou ? — Eh bien ? — Eh bien ! vous l’avez tué ! — Oui. Eh bien ? — Eh bien, on l’a autopsié, c’était un fou ! ! ! — Ah ! répondit le chef du jury, vous m’ôtez un poids. — Hein ? — Oui, vous m’ôtez un poids. Je suis soulagé. Je craignais qu’il