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saurais le dire. M. Grasset, non plus, je pense… » Et les journalistes de proclamer « la faillite de la justice scientifique : les médecins avouent qu’ils ignorent si les criminels sont ou non responsables. »

Voilà le danger qu’il y a à jouer sur les mots ou avec les mots.

Il est certain que les mots « demi-fous » et « demi-responsables » n’ont nullement le sens d’une fraction 1/2 ; de même, le mot « fou » n’a pas une valeur scientifique. Mais il n’en est pas moins vrai que : 1° les médecins savent reconnaître les sujets qui ont toute leur raison et par suite sont responsables en justice, et ceux qui ont une maladie des fonctions psychiques qui les rend irresponsables en justice ; pour abréger, j’appelle (avec beaucoup de gens) ces derniers des fous ; 2° les médecins savent reconnaître, entre les bien portans et les fous, des sujets dont les neurones psychiques sont assez malades pour que leur responsabilité ne soit pas entière et ne sont pas assez malades pour entraîner leur irresponsabilité ; chez ces sujets la responsabilité est atténuée. C’est à ces malades que, encore pour abréger, je donne le nom de demi-fous et de demi-responsables.

Je pense qu’après ces explications sur les mots et l’exposé ci-dessus sur le fond de la question, je peux dire qu’aujourd’hui tous les psychiatres (M. Gilbert Ballet compris) admettent l’existence des sujets à responsabilité atténuée, c’est-à-dire des sujets que j’appelle demi-fous et demi-responsables.

De plus, après des précisions, il me paraît indiscutable que, seul, le médecin est qualifié pour apprécier et mesurer la responsabilité d’un criminel.

Le problème de l’appréciation d’une responsabilité revient au problème de l’appréciation de la normalité ou de la non-normalité de ses neurones psychiques. Ce n’est pas un problème de métaphysique comme on l’a dit ; c’est un problème de médecine.

Il est impossible d’accepter cette idée de M. Remy de Gourmont : « Depuis quelque temps, on ne demande plus aux jurés leur opinion sur la matérialité d’un fait, on les interroge sur le programme de l’agrégation de philosophie. C’est ridicule. » Il serait en effet profondément ridicule de poser aux jurés des problèmes de philosophie. Mais, pour résoudre les problèmes de responsabilité ou d’irresponsabilité, c’est le programme de