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vées sur tous les bancs de l’assemblée. Le sentiment de la Chambre n’a pas différé de celui du Sénat ; toutefois, comme tout s’est borné à des manifestations de séance et qu’il n’y a pas eu de vote formel. M. Monis a persisté dans sa résolution de ne prendre aucune initiative personnelle et de se conformer docilement à celle qui serait prise ailleurs. Il n’y a pas eu, disons-nous, de vote formel sur ce point particulier, mais il y en a eu un sur la question plus générale des délimitations : le Sénat a désapprouvé une mesure qui met la division dans le pays et il a invité le gouvernement à préparer une législation nouvelle. C’est là une indication dont il serait dangereux pour le gouvernement de ne pas tenir compte, mais lui seul a autorité pour le faire ; le Conseil d’État ne peut plus ici lui servir de paravent, car il n’a aucune compétence en matière législative ; il ne fait pas les lois, il ne les modifie pas, il ne peut qu’aider à leur application. Il lui était donc interdit de toucher à celles qui ont créé les délimitations : son rôle se bornait à donner un avis sur la manière dont elles seraient faites. Enfermé dans ce cercle étroit, le Conseil d’État a rédigé un décret qui créait deux zones dans la Champagne : la première comprend en gros le département de la Marne ; — nous négligeons le détail des communes qui y sont rattachées ou en sont distraites ; — elle s’appellera la Champagne tout court. L’autre comprend le département de l’Aube et s’appellera la Champagne, deuxième zone. Entre l’appellation de deuxième zone et celle de deuxième classe ou de deuxième catégorie, la différence pratique est insensible : il est clair que les vins de l’Aube sont mis dans un état d’infériorité à l’égard des vins de la Marne, et cela est tellement vrai que si le viticulteur de la Marne mêle aux siens des vins de l’Aube, ses propres vins tomberont dans l’appellation de la seconde zone ; du coup, ils seront déclassés. Le département de la Marne est satisfait comme on peut le croire, mais le département de l’Aube est furieux. Quelle forme prendra la manifestation du mécontentement de l’Aube ? Il faut souhaiter que l’ordre matériel ne soit pas troublé ; le gouvernement, cette fois averti, serait inexcusable de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour cela ; mais si l’agitation ne se traduit pas par des actes révolutionnaires, elle persistera longtemps dans les esprits et dans les cœurs.

À peine le décret du Conseil d’État a-t-il été connu que des interpellations ont été déposées à la Chambre. M. Brisson a demandé que jour le gouvernement proposait pour les discuter : c’est alors que M. le garde des Sceaux, probablement ému, troublé des conversations