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qu’il avait eues dans les couloirs et de l’état des esprits qu’il y avait constaté, a demandé à la Chambre de réserver la fixation de cette date, en ajoutant que le gouvernement déposerait le lendemain au plus tard des projets de loi pour ouvrir un recours devant les tribunaux civils aux personnes qui se croiraient lésées. Qu’est-ce que cela voulait dire ? M. Jaurès a demandé s’il fallait comprendre qu’aucun décret n’interviendrait avant que la Chambre se fût prononcée sur la question, et M. Lenoir si le gouvernement entendait faire appel à la Chambre du décret du Conseil d’État. Visiblement décontenancé, M. le garde des Sceaux a déclaré qu’il allait en référer à l’intérieur. — Les interpellateurs demandent, a-t-il dit, que la publication du décret soit suspendue jusqu’à ce que la Chambre ait statué ; il est probable que cette publication n’aura pas lieu avant le dépôt du projet de loi ; la question sera vidée ultérieurement. — Ainsi M. Antoine Perrier admettait comme vraisemblable que la publication du décret serait ajournée jusqu’après le dépôt des projets de loi. À ce moment, le décret paraissait quelque peu malade, mais M. Perrier n’était sûr de rien : on l’a vu descendre de la tribune et sortir de la salle des séances, puis du Palais-Bourbon, pour aller conférer avec M. Monis. Spectacle étrange, qui a montré mieux que tous les commentaires de la presse ce qu’on nous permettra d’appeler l’absurdité de la situation.

Le temps a coulé, les heures ont passé, enfin M. le garde des Sceaux a reparu, porteur d’une lettre que, pour plus de sûreté, M. le président du Conseil lui avait écrite, ou dictée. M. le garde des Sceaux en a donné lecture en toute modestie : elle contenait le désaveu le plus complet de tout ce qu’il avait dit à la Chambre. Le décret est signé, il devait être publié le lendemain même au Journal officiel ; cependant M. le président du Conseil consentait à un retard de vingt-quatre heures. À quoi bon ? On aurait compris un ajournement jusqu’au moment où la Chambre aurait pu se prononcer, et c’est bien ce que M. le garde des Sceaux avait fait espérer, mais un retard de vingt-quatre heures ne rimait à rien. « Vous avez, disait en outre M. Monis, entretenu la Chambre de l’intention du gouvernement de déposer sur son bureau deux projets relatifs à la procédure des délimitations et à la poursuite des fraudes par les syndicats. Ces deux projets n’ont pas de relation directe avec le décret de délimitation de la Champagne. Ils sont inspirés par divers ordres du jour précédemment votés par le Parlement et répondent à des préoccupations d’ordre général étrangers au décret de délimitation qui va être promulgué. » Ce n’est pas ce que M. le garde des Sceaux avait compris, puisqu’il avait