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admis que le dépôt des projets de loi était de nature à ajourner la publication du décret ; mais s’il s’est trompé, son erreur est excusable. Il n’y avait rien de surprenant, en effet, à ce que le projet de loi qui donnera plus de force aux syndicats contre la fraude rendît les délimitations inutiles et en amenât la suppression. Ce sera peut-être la conclusion de cette affaire. En attendant, quelle anarchie dans le gouvernement ! Quelle difficulté de se mettre d’accord ! Quelles contradictions déconcertantes ! Finalement, M. le président du Conseil faisait savoir dans sa lettre que M. le ministre de l’Agriculture et M. le ministre des Finances étaient chargés de soutenir la discussion des interpellations. À eux la parole ; M. le garde des Sceaux n’avait plus qu’à la leur passer. M. Pams et M. Caillaux se sont efforcés de mettre un peu plus de clarté dans le débat : ils n’y sont point parvenus. M. le ministre des Finances a des idées de gouvernement, un peu étroites peut-être, mais qu’on aime à entendre exprimer dans un moment où, grâce au relâchement général, tous les pouvoirs sont confondus. Il a contesté à la Chambre le droit de juger un acte de l’exécutif avant qu’il fût définitivement accompli, et même de faire connaître à l’avance son opinion propre pour que l’exécutif s’y conformât. Il a revendiqué la liberté d’initiative du gouvernement, bien entendu sous sa responsabilité. Ce sont là des principes auxquels il ne faudrait pas donner dans la pratique un caractère trop absolu ; à trop tendre le fil, il casserait ; et ce n’est peut-être pas à un gouvernement qui vient de se subordonner au Conseil d’État qu’il convient de réclamer, en la poussant à l’extrême, son indépendance préalable à l’égard de la Chambre.

Nous convenons d’ailleurs avec M. Caillaux que, même si on veut la changer, il faut tenir compte de la situation actuelle en Champagne. On l’a créée artificiellement, mais légalement : de là sont nés des intérêts qu’on ne peut pas sacrifier du jour au lendemain. « Le gouvernement, a dit M. Caillaux, ne peut pas entrevoir la suppression des délimitations administratives, tant que le Parlement n’aura pas substitué au régime actuel un régime donnant des garanties égales aux producteurs de toutes les régions. » Ces paroles ne sont pas bien claires assurément, mais elles appellent une législation nouvelle qui, lorsqu’elle sera faite, permettra de supprimer les délimitations : toute la question est de savoir si le gouvernement entend préparer cette législation en lui donnant ce but franchement défini. L’opinion de la ; Chambre et du Sénat ne semble pas douteuse : elle est contraire au maintien des délimitations. Celle du ministère est plus confuse : il