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ouvrier une sorte de compelle intrare ; mais beaucoup aussi continueront de s’abstenir, et alors que fera-t-on ? La question devait être posée ; elle l’a été au Sénat dès le premier jour de la rentrée et le gouvernement, à ce moment, en a demandé le renvoi à la discussion du budget du Travail. Une date aussi éloignée ne pouvait pas être maintenue ; la Chambre, rentrée en session une semaine après le Sénat, montrait la même impatience que lui d’être renseignée ; il a fallu que M. le ministre du Travail s’exécutât et qu’il consentît à répondre à MM. Codet et Brager de la Ville-Moisan, sénateurs de la Haute-Vienne et de l’Ille-et-Vilaine, qui lui adressaient en termes pressans des interrogations assez différentes.

M. Codet, déjà dégoûté de la loi qu’il avait votée, demandait que l’application en fût ajournée jusqu’à ce qu’on en eût fait une autre, dont il indiquait quels devaient être les élémens. Il prenait pour modèle la loi anglaise, qui n’est pas une loi de retraite, mais une loi d’assistance et à laquelle, par conséquent, le budget est seul à contribuer. Pourquoi, disait M. Codet, ne pas faire quelque chose d’analogue en France ? Sans doute cela coûterait cher, mais on pourrait faire retomber la charge sur les successions, comme si on ne les avait pas déjà surchargées et accablées sans mesure depuis quelques années ! et un orateur, — nous ne nous rappelons pas si c’est M. Codet lui-même, — a remis en avant l’idée d’une loterie nationale au moyen de laquelle, en faisant de la France un immense Monaco, on pourvoirait largement à tous les besoins, présens et futurs, des réformes sociales. Disons tout de suite que M. Codet n’a pas convaincu le Sénat. Il est possible que la loi ne puisse pas être appliquée, ou qu’elle ne puisse l’être que partiellement ; mais la condamner avant même que l’expérience ait commencé, serait une décision pour le moins prématurée. M. le ministre du Travail n’a pas eu de peine à combattre la proposition : et si le rejet en avait été encore douteux après son discours, il ne l’aurait pas été après celui de M. Ribot. — Une loi d’assistance pour la vieillesse, a dit M. Ribot, nous en avons une ; elle suffit à nos besoins, pourquoi en faire une nouvelle ? Depuis plusieurs années, une loi a organisé chez nous l’assistance aux vieillards dénués de ressources, et assurément il fallait la faire ; mais la loi des retraites est autre chose ; elle fait appel à la prévoyance de l’ouvrier, tandis que la loi d’assistance des vieillards pourvoit aux besoins de l’imprévoyant. Laquelle de ces deux lois est la plus morale, la plus respectueuse de l’effort humain ? La réponse est sur toutes les lèvres. Plus la loi des retraites sera appliquée et moins