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LE SENTIMENT RELIGIEUX
DANS
LA POÉSIE FRANÇAISE CONTEMPORAINE

D’un bout à l’autre de l’histoire de la Poésie on voit le lyrisme et le sentiment religieux aller de pair. Lorsque l’exaltation de la pensée ou du cœur porte l’homme au delà de la sphère de ses réflexions, de ses affections quotidiennes, tout de suite il se heurte à l’inconnu. Alors, le problème de la conscience et de la science le tourmente : qu’il soit enclin à douter ou qu’il soit touché de la Grâce, il veut chercher à atteindre la Vérité.

En interdisant le lyrisme, qui, dans sa sincérité, se contente de la première forme venue, les Parnassiens avaient empêché la poésie de pousser son vol au delà des réalités plastiques. Cette force de réaction, qui, à une heure donnée, change l’orientation des courans de la pensée, devait logiquement affranchir la poésie de ces contraintes. En effet, le sentiment du divin y reparaît aujourd’hui comme une des sources rajeunies de son inspiration.

Il s’y montre tour à tour avec la figure d’un genre littéraire, et l’allure de la plus tragique sincérité : il s’apaise, chez les très jeunes gens, dans une certitude dogmatique, berceuse comme un murmure de litanies. Chez les poétesses, — en qui se reflètent, pour une part, les aspirations des femmes de notre temps, — il sursaute entre l’incroyance totale, les cris d’orgueil révolté, puis des soumissions subites.