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et au souci constant qui s’y révèle de faire connaître aux prévôts le caractère de leurs devoirs de magistrats instructeurs[1].

C’est ainsi que le ministère n’hésita point à blâmer catégoriquement les excès de zèle de certains présidons ou prévôts, qui avaient inauguré leurs fonctions en adressant des proclamations politiques aux maires ou à la population[2]. De même il rappela au calme un prévôt, qui, lassé de son inaction dans un département fort paisible, voulait parcourir à cheval les cantons pour rechercher les crimes ou délits[3].

Une intervention d’un ordre plus général fut bientôt nécessaire. Beaucoup de prévôts ne parvenaient point à comprendre que leur rôle se bornât à procéder aux opérations d’instruction pour les affaires prévôtales : ils ne concevaient pas qu’on eût envoyé dans les départemens des officiers supérieurs ou généraux pour ne leur confier que la mission très modeste d’interroger des prévenus, sous la surveillance d’un assesseur civil. Aussi, s’appuyant sur les termes assez ambigus de l’article 20 de la loi de 1815, qui les chargeait « de la recherche et de la poursuite de tous les crimes dont la connaissance est attribuée aux Cours prévôtales, » ils semblaient se considérer comme investis d’une sorte de pouvoir de police, les autorisant, en dehors de toute plainte, à enquêter sur les actes des personnes hostiles au gouvernement royal. Le prévôt de la Seine, marquis de Messey, écrivait, entre autres, au garde des Sceaux le 2 mars 1816 : « … Je ne puis me persuader, comme on m’assure que Votre Excellence l’a prononcé, qu’ils [les prévôts] ne doivent être que de simples juges d’instruction. »

Le ministre répondit à ce prévôt et à plusieurs de ses collègues par une lettre remarquable, où la justesse et la précision des termes juridiques témoignent d’un grand soin de rédaction. Après avoir établi que les prévôts possédaient pour les affaires les concernant tous les pouvoirs des juges d’instruction et ceux-là seulement, le garde des Sceaux ajoutait : « Vous vous occuperiez d’objets tout à fait étrangers à l’ordre judiciaire si vous pensiez pouvoir exercer ou prescrire des mesures de police pour découvrir des délits qui ne vous auraient pas été dénoncés ou

  1. Voyez les pièces de cette correspondances : Archives nationales, BB3 126.
  2. Président de la Haute-Vienne, prévôt de la Corrèze.
  3. Prévôt de la Corrèze.