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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/143

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dont il ne vous aurait point été porté plainte, ou qui, enfin, ne seraient point parvenus à votre connaissance par la clameur publique, et si, hors les cas de flagrant délit, vous vous livriez à des recherches qui doivent toujours être provoquées par une plainte ou par une dénonciation… Les différens pouvoirs sont et doivent rester distincts : hors de cette règle nécessaire, il n’y a plus que confusion et anarchie. »

Et, par application de ces principes, le ministre adressa un blâme au prévôt de la Meurthe, qui avait cru pouvoir faire détenir un prévenu contre lequel il ne suivait pas, en se prévalant des dispositions de la loi du 29 octobre 1815 sur la suspension de la liberté individuelle.

Il n’est pas surprenant de constater que nombre de prévôts, se voyant ainsi limités dans leur action et souvent fort inoccupés dans des Cours où les affaires étaient rares, se trouvèrent désappointés de cette situation subalterne, qu’ils s’étaient probablement représentée sous de tout autres couleurs.

Plus d’une lettre adressée au ministre contient des plaintes qui trahissent ce mécontentement.

Nous voyons, par exemple, un prévôt déplorer l’absence de « marques extérieures de considération » qu’il eût estimées dues à sa fonction et dénoncer la « répugnance » qu’on avait pour l’institution[1].

Un autre déclare l’organisation des Cours prévôtales « contraire à la bienséance et à la raison » et propose un plan de réforme de sa façon, qui naturellement eût conféré la présidence aux prévôts[2].

Etant donné cet état d’esprit, on pense bien qu’en beaucoup d’endroits, les relations des prévôts avec leurs collègues civils ne furent pas des plus faciles. Ce conflit était fatal, tant à raison des préjugés nobiliaires de certains prévôts, que des différences de mentalité professionnelle qui devaient nécessairement séparer les militaires et les magistrats : peut-être aussi quelques-uns de ces derniers eurent-ils le tort de traiter les prévôts un peu trop en « novices » dans la carrière judiciaire et de vouloir leur imposer leurs Conseils avec une insistance désobligeante.

Il y a là une expérience qu’il n’est sans doute pas inutile de rappeler au moment où des projets récens de réforme des

  1. Prévôt de la Haute-Garonne : lettre du 24 juin 1816.
  2. Prévôt de l’Orne : lettre du 19 juillet 1816.