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de Sainte-Marie fondé à cet endroit, par quelques religieux dont la plupart furent rapidement fauchés par la mort, devait donner naissance aux nombreuses missions catholiques qui évangélisent aujourd’hui notre Afrique équatoriale. En 1870, les Pères du Saint-Esprit, sous la direction de Mgr Bessieux, avaient étendu au loin leur action et ils descendaient déjà jusqu’aux rives du Congo quand éclata la guerre franco-allemande. Au lendemain de nos désastres, la subvention accordée à la Mission fut supprimée. La France, repliée sur elle-même, obligée de panser ses blessures, ne songeait guère à se dédommager, par une extension coloniale, de la mutilation subie : l’abandon du Gabon fut même décidé en haut lieu et l’on négocia (en 1873) l’échange de cette contrée contre la Gambie anglaise. L’amiral commandant l’escadre de l’Atlantique, chargé d’annoncer la nouvelle aux religieux, leur proposa de les transporter ailleurs. Il se heurta à un refus formel : « Nous sommes ici à une porte, répondit Mgr Bessieux : d’une année à l’autre elle peut s’ouvrir sur un immense continent, nous attendrons. » « Cette fermeté, » dit Mgr Le Roy, l’éminent supérieur de la Congrégation du Saint-Esprit, « fit impression sur l’amiral ; la mesure fut ajournée et, depuis, la porte s’est ouverte. Sans nos missionnaires, nous ne posséderions peut-être pas le Congo[1]. »

Mgr Bessieux mourut en 1876. Trois ans auparavant, il avait envoyé le P. Carrie fonder une mission à Landana (Congo portugais). Cet établissement était déjà llorissant quand il reçut, en 1880, la visite de Brazza qui, venant de planter le drapeau français au nord du Stanley-Pool, sollicitait des missionnaires pour occuper ce poste. Le P. Augouard fut chargé d’aller étudier la question sur place. Ce religieux avait fait ses preuves de bonne heure, car, en 1870, à peine âgé de dix-sept ans, il s’était engagé dans le corps des zouaves de Charette pendant la guerre. Mgr de Ségur, qui le rencontra à cette époque, se rendit compte de ce qu’on pouvait attendre d’un caractère aussi généreux et, constatant la vocation ecclésiastique du jeune homme, il l’avait dirigé vers les missions. Ordonné prêtre en 1876, le P. Augouard avait été envoyé, d’abord, au Gabon, puis à Landana où il était occupé, depuis deux ans, à étudier les langues indigènes et à former des catéchistes.

  1. Voyez les Missions catholiques françaises, publiées sous la direction du P. Piolet, S. J., tome V, p. 227.