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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/161

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le travail comme une honte. Pour leur en inculquer le goût, il faut leur en donner l’exemple ; sinon, ils répondent comme naguère les Gabonais à Mgr Bessieux : « Nous prends-tu pour des esclaves ? Les blancs ne travaillent pas ; toi-même, est-ce que tu travailles ? » — « L’évêque, raconte le marquis de Compiègne, ne répondit pas, mais le lendemain, on le vit partir au lever du jour une pioche sur le dos ; il accrocha sa soutane aux broussailles, il entonna le Gloria Patri et se mit à l’œuvre. Cela dura trois ans, jusqu’à ce que les plantations fussent terminées : depuis l’aurore jusqu’à la nuit, il travaillait comme un nègre… ne travaille pas. »

Le Père Augouard fit de même :

Aussi, écrivait-il gaiement, j’ai aux mains une collection d’ampoules capable de faire envie à l’apprenti le plus courageux. Depuis trois mois, je suis seul à Saint-Antoine ; mais, cette semaine, je vais recevoir les missionnaires qui arrivent de France et je serai un peu soulagé dans mon travail… Nos aimables radicaux qui trouvent que les curés sont des fainéans n’ont qu’à venir ici.


En effet, si l’on ajoute, aux métiers manuels que nous avons énumérés, l’étude des langues, celle de la géographie locale, de l’astronomie, de l’algèbre, on aura un aperçu des connaissances pour ainsi dire universelles que doivent posséder les missionnaires. À Saint-Antoine, le P. Augouard eut de nombreuses difficultés avec la tribu des Moussorongos qui, excités par leurs féticheurs, arrivèrent un jour, au nombre de 300, armés de fusils, « tuer les blancs et brûler leur maison. » Le religieux sut apaiser ces sauvages si bien qu’ils vinrent, par la suite, implorer son pardon en lui apportant 16 grosses poules et 20 mètres de beaux tissus.

Pendant qu’il exerçait la direction de ces deux missions, — auxquelles il dut joindre celle de Landana en l’absence de son supérieur, — le P. Augouard se lia d’amitié avec le commandant de l’aviso le Sagittaire, chargé de préparer les voies à Brazza pour prendre possession > au nom de la France, des terres situées au Nord du Congo sur lesquelles plusieurs nations européennes jetaient déjà des regards de convoitise. Le P. Augouard rendit service à cet officier en lui servant d’interprète et en allant, au péril de sa vie, parlementer avec les indigènes qui avaient attaqué notre poste près de Loango. Habile diplomate, non seulement il parvint à apaiser le conflit naissant, mais il amena