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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/162

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le chef Lomba à traiter avec le commandant et à le laisser s’installer dans la baie de la Pointe-Noire. Ce ne fut certes pas la faute du religieux, ni de notre distingué représentant à Loango, M, Dolisie, si le commandant du Sagittaire, lié par des ordres formels, ne profita pas de la circonstance pour occuper les territoires de Malembé et de Cabinda qui, abandonnés au Portugal, forment aujourd’hui une enclave dans notre Congo : toute la rive droite du fleuve aurait pu nous appartenir si notre gouvernement avait montré alors la décision et l’énergie voulues.

Aussitôt son supérieur revenu de France, le P. Augouard, étant parvenu à réunir une caravane de 120 porteurs, termina ses préparatifs pour partir avec deux autres missionnaires et arriver avant la saison des pluies au Pool, où Brazza devait le rejoindre par la voie de l’Ogoué. Le 11 août 1883, la caravane, à laquelle s’était joint M. Dolisie, s’engageait dans les étroits sentiers des Montagnes de Cristal. Durant les vingt premiers jours, le voyage se fit dans d’assez bonnes conditions ; mais, à partir de Manyanga, les difficultés se multiplièrent à l’infini : d’abord, une fièvre maligne terrassa douze porteurs en un seul jour, obligeant ainsi la caravane à s’arrêter dans un pays dénué de ressources. Six hommes succombèrent ; parmi leurs camarades, plusieurs avaient la fièvre, tous étaient démoralisés et se plaignaient qu’on les emmenât mourir loin de leur terre natale. On finit par repartir, mais, alors, les trois missionnaires et M. Dolisie lui-même tombèrent malades à leur tour et, pour comble de disgrâce, des pluies torrentielles « que seuls peuvent se figurer ceux qui ont vécu dans les climats équatoriaux » entravèrent la marche. À ce déluge venaient se joindre les souffrances causées par d’innombrables fourmis rouges qui sont un des fléaux de ces contrées.

Les noirs, habitués à de telles misères, en prenaient leur parti, tout en gémissant d’avoir à transporter, le lendemain, des fardeaux mouillés et, par conséquent plus lourds. Beaucoup aussi prétextaient des maladies imaginaires. Un des grands ennuis, pour les explorateurs, est dans les palabres à recommencer chaque jour avec les porteurs qui inventent mille prétextes pour se soustraire à leurs obligations, avec les guides qui se sauvent et avec les chefs qui réclament d’innombrables cadeaux. En pareille occurrence, souvent les voyageurs, perdant patience, finissent par envoyer du plomb aux indigènes qui