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Scène d’amour ; puis, le prince et ses hôtes survenant, querelle, duel au sabre, le prince est pourfendu par Vassili.

Second acte. Dans le steppe neigeux, une halte de condamnés en route pour la Sibérie. Vassili fait partie du lamentable convoi. Soudain, un bruit de grelots : un traîneau s’arrête, Stephana en descend, et souriante, héroïque, rachetée par l’amour, à côté de celui qu’elle aime, elle prend le sinistre chemin.

Troisième acte : Les mines du Trans-Baïkal, où travaillent les forçats. L’un d’entre eux, nommé Gléby, voleur et faussaire, connaissant le passé, — dont il fut autrefois le premier et le plus responsable auteur, — de la pauvre Stephana, l’en accable outrageusement, ainsi que Vassili. Tout de même, il avait paru que celui-ci, dès le premier acte, devait être au courant de bien des choses. Dispute, échange d’injures et de coups entre les deux hommes, sous le regard de factionnaires indifférens, à moins qu’ils ne soient complices. Je ne sais pas très bien, j’ai peur de ne jamais très bien savoir. Ensuite un garde-chiourme propose aux deux malheureux amans, dont le malheur et l’amour l’ont touché, de faciliter leur fuite. Mais le traître Gléby veillait, ou bien le garde-chiourme lui-même était un traître. Là encore je ne suis pas très sûr. Un coup de feu retentit : il se sera trouvé, dans le nombre, une sentinelle attentive. Rentre Vassili, portant Stephana mourante. Elle meurt entre ses bras ; sans elle, il lui faudra continuer de souffrir. Et l’on dirait que ce livret, où se mêlent, à la russe, l’horreur et la pitié, fut composé, pour le public de l’Ambigu, par un Dostoïevsky de mélodrame et un Tolstoï de roman-feuilleton.

La partition n’est pas d’un art très relevé. Il arrive souvent aux modernes musiciens d’Italie de n’être plus guère eux-mêmes, comme nature ou comme fond, et, quant à la forme, au style, de rester au-dessous des autres, qu’ils tâchent d’imiter. Plus d’une œuvre ultramontaine témoigne de cette incertitude et souffre de ce malaise. On en trouverait des signes nombreux dans Siberia. L’esprit, l’esprit italien d’autrefois y est dégénéré ; sommaire en est l’écriture, ou la lettre. La partie essentielle, ou qui devrait l’être (le drame de passion), est la plus faible et la plus vide. Tel épisode, au contraire, a son prix. Le premier acte se partage, — musicalement, — entre le mélodrame et l’opérette. Le petit chœur des invités militaires est, dans le second genre, quelque chose d’assez plaisant. Par trop romance est une romance de Stephana. Quand Mlle Cavalieri la chanta, vêtue en grisette « des années 40, » on crut voir Loïsa Puget elle-même. Et bientôt Vassili-Muratore, dont l’uniforme rappelait celui de la