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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/252

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le 23 à Saint-Paul, on construit des tribunes et on commence à les décorer. Dans les espaces libres, par exemple dans Parliament Square qui fait face à Westminster, quelques-unes s’élèvent à toute hauteur, comme des tribunes de courses : les statues des grands hommes d’État anglais qui ornent la place, Canning, Robert Peel, Beaconsfield, Derby, sont encastrées dans des palissades et semblent regarder ce spectacle avec étonnement. Dans quelques rues, les tribunes atteignent la hauteur des maisons dont elles masquent complètement la façade. Certaines maisons, certaines boutiques surtout sont garnies de sièges. On s’occupe en hâte de décorer maisons et tribunes. Tout ce grand ouvrage, qui a dû singulièrement occuper charpentiers et tapissiers et leur procurer de gros bénéfices, sera terminé le 21 au soir. Oserai-je dire toute ma pensée ? Les décorations que je vois ne me paraissent pas, sauf exceptions, très heureuses. Les draperies rouges sont trop rouges, les draperies bleues trop bleues, les draperies jaunes trop jaunes. C’est pour moi un problème, qu’un peuple qui a produit de grands peintres dont le coloris, nuancé, velouté, harmonieux est la qualité principale, un peuple qui a perpétuellement sous les yeux une nature dont l’aspect est doux, fondu, un peu monotone, ait si peu le sens des décorations extérieures et se complaise ainsi aux couleurs heurtées et aux effets violens.

La décoration des boutiques et des maisons est plus sobre. Les rues commerçantes comme Oxford Street, Piccadilly, Bond Street, bien d’autres encore, sont pavoisées de drapeaux anglais et étrangers. Je remarque quelques drapeaux français. La décoration des maisons dépend naturellement du goût et de la fortune des occupans. Quelques-unes sont gracieusement ornées avec des fleurs ou même des fruits, d’autres avec des draperies d’un heureux effet. Il y en a de très jolies dans Grosvenor Place et Belgrave Square. Mais d’autres sont surchargées au point que la façade de la maison disparaît complètement. Il en est ainsi en particulier dans Fleet Street, la grande artère que la procession royale doit suivre le 23 pour aller à Saint-Paul. Fleet Street est aussi la rue où se trouvent les bureaux des principaux grands journaux. Tel journal, que je ne nommerai pas, se fait principalement remarquer par une orgie de draperies et de fleurs. Mon impression générale sur ces décorations, sauf exceptions je le répète, se traduit ainsi ; « Ce n’est pas tout à fait ça. »