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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/349

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à Madrid, la maison de Bourbon devint pour le Portugal aussi dangereuse que l’avait été celle des Habsbourg. Pour lui, le péril venait toujours de Madrid, quel que fût le prince qui y régnât : contre les Habsbourg, il avait fait appel à leur adversaire, la France ; contre les Bourbons, il ne pouvait s’adresser qu’à leur mortel ennemi, Guillaume d’Orange, le roi d’Angleterre. C’est ce qui explique pourquoi, depuis le traité signé par lord Methuen en 1703, le Portugal est demeuré et demeure encore, par la force des traditions, l’allié fidèle de l’Angleterre, « chaloupe dans le sillage d’un vaisseau de ligne, » pour emprunter une métaphore devenue classique.

De son côté l’Angleterre trouvait dans le Portugal, non seulement une « base navale » des plus précieuses, mais une sorte de Hanovre méridional, si on peut dire, lui permettant de débarquer ses troupes avec une sécurité d’autant plus grande que l’éloignement du Portugal des frontières françaises le garantissait contre toutes représailles. Un seul nom suffit pour faire apparaître toute l’importance du territoire portugais à ce point de vue : Torres Vedras, n’est-ce pas la première morsure du dogue anglais, qui ne devait plus lâcher sa proie impériale jusqu’au soir où, avec le reste de la meute européenne, il la porterait bas sur le plateau de Mont Saint-Jean ?

Ce n’était pas seulement en ouvrant ses ports aux vaisseaux anglais, en les ravitaillant, en saisissant les navires de commerce français que le Portugal avait pris part à la coalition : il avait même porté les armes contre la France en envoyant, en 1793, un corps de troupes coopérer avec celles que l’Espagne dirigeait contre notre frontière des Pyrénées. Mais cette altitude peu dangereuse pour lui, tant qu’elle était partagée par l’Espagne, devenait pleine de périls le jour où celle-ci, à partir des conférences de Bâle, entra en pourparlers avec la République. Il était bien à craindre que ce ne fût le Portugal qui payât les frais de la réconciliation, et en effet, dès la paix conclue, le Cabinet de Paris songea à utiliser sa nouvelle alliée contre le Portugal, soit pour en expulser les Anglais, soit pour rendre l’Espagne plus puissante par une annexion qui ferait d’elle la maîtresse de toute la Péninsule et permettrait peut-être à la France de lui demander des compensations ailleurs, en Louisiane et en Floride, par exemple. Par le traité de San Ildefonse (19 août 1796), l’Espagne promettait d’engager le Portugal à