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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/362

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aides de camp, et « de quelques autres citoyens, » sans doute les membres les plus importans de la colonie française. Sous l’ancien régime en effet, le plénipotentiaire, lorsqu’il allait remettre ses lettres de créance, se faisait accompagner des gentilshommes et seigneurs, ses compatriotes, qui résidaient dans le pays, ou qui s’y rendaient exprès pour cette cérémonie. Lannes, en conviant à le suivre des négocians français de Lisbonne, ne faisait qu’adapter à une époque démocratisée ces usages aristocratiques.

Le château de Queluz, où le Régent résidait une grande partie de l’année, est aujourd’hui inhabité et tombe presque en ruines. Situé à deux lieues portugaises de Lisbonne au delà de Belem, dans une vallée solitaire qu’entourent de hautes collines, il développe en hémicycle ses bâtimens sans étages où l’on retrouve une lointaine imitation de Trianon et qu’entourent des jardins à la française peuplés de statues, aux allées rectilignes, bordées de buis et, au delà des parterres, un grand parc avec des avenues en éventail se heurtant à des grilles lointaines. Lannes et son cortège, après avoir traversé les faubourgs de la ville, longé les murs des quintas, grandes villas closes où l’aristocratie portugaise se réfugie en été, s’engage dans l’avenue du château, plantée de magnolias, de becs de grue du Cap et autres plantes exotiques. Arrivés à ce mélancolique palais, autour duquel s’élèvent quelques rares maisons ne formant même pas un village, ils pénètrent à travers les enfilades de salles, certaines décorées de peintures mythologiques ou de bergerades, d’autres plus petites, dorées et enluminées, d’autres encore ornées de fresques représentant l’histoire de Don Quichotte, quelques-unes revêtues de ces carreaux de faïence émaillée qu’on appelle des azulejos. Après avoir traversé la grande salle de bal, ornée d’immenses glaces et de cariatides, le nouveau ministre arrive devant la porte de la salle dite des Ambassadeurs où l’attend le Régent.


III

Don Joaö, VIIe du nom, exerçait le pouvoir depuis le 10 mars 1792, au nom de sa mère dona Maria, devenue folle. Il avait épousé en 1790 la fille aînée du roi d’Espagne, Charles IV, dona Carlota Joaquina. D’une « jolie figure » dans