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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/361

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sur l’Europe et bien persuadé, comme tous les soldats victorieux, que rien ne doit résister à la France, pas plus qu’à celui qui la représente.

À cette première entrevue, les choses se passent cependant conformément aux rites habituels de la diplomatie. Almeida assure Lannes que Son Altesse Royale est « très satisfaite du choix » qu’a fait le gouvernement français, et sera « très empressée » de le recevoir. Mais, dès les complimens épuisés, voici que, tout de suite, les froissemens commencent. Lannes aborde, en effet, sans plus tarder, une des questions principales dont il doit poursuivre le règlement, celle de la contribution de guerre de 20 millions que, par le traité de Badajoz, le Portugal s’est engagé à verser à la France. Quelle n’est pas sa surprise, quand Almeida lui répond que le paiement a dû être effectué à Paris, car le gouvernement portugais, pour se procurer les fonds nécessaires, a traité avec la maison Hope d’Amsterdam dont « un des associés s’est rendu à Lisbonne et de là à Paris, chargé de remettre le premier terme au ministre du Trésor public. Cette déclaration n’est, du reste, qu’un expédient en vue de gagner du temps, car, en réalité, aucune disposition n’a encore été prise pour l’acquittement de la contribution de guerre ; mais Lannes, qui vient de recevoir un courrier lui annonçant que le versement n’a pas été opéré, ne sait comment débrouiller ces contradictions. Sa loyauté ne songe pas à révoquer en doute l’assurance qu’un adversaire lui donne, et un accès de susceptibilité légitime ne lui permet de voir qu’avec un extrême déplaisir que cette « importante négociation se traite sans sa participation, au moment même où il lui est ordonné d’intervenir. » Les généraux de la République avaient, en effet, depuis le début de la Révolution, tenu à honneur de faire entrer dans les caisses, trop souvent à sec, de la Convention ou du Directoire, les contributions de guerre frappées sur les vaincus. Voici que cette tâche échappe à Lannes ; qui des deux le trompe ? Almeida ou Talleyrand ? On sent que la question se pose déjà dans son esprit.

La réception très gracieuse faite au ministre de France, quelques jours après, par le Régent et la Princesse met un peu de baume sur ces premières piqûres. Le 9 germinal (30 mars 1803), Lannes se rend au château de Queluz, la résidence royale, accompagné de son secrétaire de légation, de ses