Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

difficultés qu’il rencontre. Si le ministère portugais n’a encore cédé que sur la reconnaissance de la République Italique, c’est qu’il est « servilement dévoué à l’Angleterre. Le Prince pencherait pour nous, s’il l’osait, et ce n’est qu’avec un langage ferme et soutenu que je parviendrai à l’y déterminer et à contraindre son Cabinet à changer de route… De quelque côté que je tourne les yeux, je ne vois que des ennemis. »

Parmi ces ennemis, il n’y avait pas seulement les ministres portugais : dans le corps diplomatique, Lannes devait rencontrer de sérieux adversaires qui lutteraient contre lui, les uns avec ardeur, les autres avec astuce. On sent, au ton de sa correspondance, que le soldat loyal, habitué à combattre à visage découvert, souffre de ces menées ourdies sans cesse contre lui par des gens qui lui font bonne figure. Au premier rang de ces ennemis, voici le ministre d’Angleterre, lord Fitzgerald, remarquablement bel homme, ennemi passionné de la France, mais loyal et courtois ; — le nonce Galeppi, archevêque de Nisibe, esprit souple et fin, d’une instruction vaste et profondément nourrie, mais aimant l’intrigue et ne reculant pas devant les missions douteuses, prêt à s’entremettre entre Lannes et la Cour portugaise, prêt aussi à tendre des pièges à la franchise du soldat diplomate ; — Van Grasveld, ministre de la République Batave, en apparence ami de la France, au fond peu sûr et disposé à toutes les défections. Du moins, le ministre d’Espagne, le comte de Campo Alange, veuf et âgé, devait-il se montrer d’une correction parfaite vis-à-vis de celui qui représentait une nation alliée à la sienne : c’était d’ailleurs un homme excellent, plongé dans une dévotion profonde.

Le corps diplomatique constituait à peu près la seule ressource que présentât Lisbonne au point de vue social. Les Portugais n’aimaient la promenade ni à pied ni en voiture, et ne donnaient presque pas à dîner. Peu d’assemblées, sauf des sortes de cercles organisés par des négocians étrangers et où leurs compatriotes pouvaient se faire admettre ; peu de bals, sauf le jeudi, dans une salle publique établie pour les étrangers et les Portugais de distinction et appelée The long Room : c’était sans doute quelque pâle copie des bals fameux de Londres à cette époque, Almacks et le Wauxhall. De mauvais théâtres, sauf l’Opéra où l’on entendait d’excellens chanteurs et où les rôles de femmes étaient naguère encore tenus par des castrats,