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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/374

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données par M. d’Almeida, » Il prie donc celui-ci de lui adresser des passeports dans la journée « avec les ordres nécessaires pour les maîtres de poste. » La journée n’est pas terminée qu’Almeida, dans une note laconique, « a l’honneur de lui remettre les passeports requis en lui renouvelant les assurances de sa haute considération. » Lannes a été pris au mot. Il ne lui reste plus qu’à s’exécuter.

Cela ne tarde pas. Dès le lendemain le voilà qui avertit de son départ le commissaire général des Relations commerciales Dannery, ainsi que de son intention d’emmener Fitte avec lui. Que nos compatriotes de Lisbonne n’éprouvent aucune alarme, il compte sur la fermeté et la sagesse de leur conduite comme ils peuvent compter, dans tous les cas, sur la force et l’appui du gouvernement de la République. « Dannery devra continuer à s’occuper seulement des relations commerciales, les relations politiques demeurant interrompues. Il recevra en dépôt les papiers de la légation. Le général partira avec Fitte le lendemain matin. Il a décidé que Mme Lannes et toute sa maison quitteraient Lisbonne le dimanche suivant par le paquebot de Falmouth, et il a ordonné de tout vendre chez lui. Les choses sont bien calculées pour donner au gouvernement portugais l’impression que la rupture est définitive.

Dès le 21 thermidor (9 août), le bruit de son départ, quand il se répand par la ville, y produit une profonde sensation qui se traduit même par un manque complet de transactions et par la chute du papier-monnaie qui ne perdait que 9 et demi et qui tombe à 12 pour 100[1].

Ce n’est pas seulement le monde des affaires, qui s’inquiète. À la Cour, on n’est pas moins ému ; on a même essayé d’agir indirectement sur Lannes en lui dépêchant le nonce : le général n’a rien voulu entendre ; un conseil a été tenu à Queluz dans la nuit du lundi au mardi ; le public pensait qu’on s’y était décidé à sacrifier Pina Manique, qu’en courant après Lannes on pourrait le rejoindre, lui annoncer cette nouvelle, le ramener. Ce n’aurait pas été matériellement impossible ; car, avec beaucoup d’habileté, Lannes, en partant le mardi matin, 22 thermidor (10 août), se fait accompagner par sa femme jusqu’au premier relais, de manière à voyager moins vite, et à perdre un peu de

  1. Lettre de Auffdener (probablemont adressée à Fitte). Arch. Aff. étr.