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temps dans les adieux. Le mardi soir il ne sera pas arrivé plus loin qu’Aldea Galega. Mais nul courrier n’aura été envoyé pour le joindre ; on essayera seulement de l’empêcher de continuer sa route. Le maître de poste refuse en effet de lui fournir des chevaux, sous prétexte qu’il ne pouvait le faire sans un avis spécial. Il faut que Lannes et ses deux compagnons mettent sabre au clair et menacent de frapper. En attendant, le bruit court à Lisbonne que le Prince « alternativement pleure et gourme ses ministres. » Le public consterné parle déjà d’un démembrement possible du royaume entre la France et l’Espagne, et le gouvernement, plus ému qu’il ne veut le paraître, envoie à tous les ministres étrangers une note circulaire pour leur annoncer « qu’il n’est rien survenu de la part du ministère qui puisse motiver la retraite du général Lannes, que son départ n’est dû qu’à sa volonté particulière. » Almeida lui-même vient le 23 thermidor (11 août), dans la soirée, faire une visite à Mme Lannes.


V

Pendant qu’on s’alarme à Lisbonne, Lannes, toujours accompagné de Fitte, pique droit sur Madrid, où ils arrivent le 28 thermidor (16 août) au matin, « à franc étrier. » Il en repart aussitôt, traverse toute la France sans s’arrêter. Seulement, avant d’arriver à Bayonne, il a dépêché en avant son valet de chambre pour prévenir le Premier Consul de son arrivée. Le 8 fructidor (26 août), dans la soirée, il est à Orléans, sa dernière étape. Le lendemain, il sera à Paris, il verra le Premier Consul, fera approuver sa conduite. Mais voici qu’apparaît son valet de chambre, qui a été envoyé à sa rencontre pour lui porter une lettre, cette lettre est de Talleyrand, datée du 6 fructidor (24 août), et ainsi conçue :


« Général, le Premier Consul vient d’être informé que vous étiez parti de Lisbonne le 22 thermidor, emmenant avec vous votre secrétaire de légation. Comme cette détermination que vous avez prise prive pour le moment le gouvernement de la République de toute communication politique avec la Cour de Portugal, il est à présumer que vous n’avez été porté à cette démarche que par des considérations graves et d’une urgence qui ne vous a pas permis d’attendre l’autorisation de votre