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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/377

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Aussi, quelques jours après, les deux parties en cause devant le Premier Consul entendent prononcer chacune leur sentence, presque le même jour, sentence qui les condamne toutes les deux, l’une dans la forme, l’autre dans le fond.

« Citoyen, » écrivait Talleyrand à Lannes, « le Premier Consul, après avoir attentivement examiné les diverses pièces de votre correspondance avec les ministres du Prince Régent de Portugal, m’a donné l’ordre de vous faire connaître que, quelque graves que soient les torts que les ministres ont eus envers le gouvernement de la République et envers vous, votre départ de Lisbonne, sans son autorisation, était une infraction publique aux usages universellement observés entre les Puissances. Il me charge de vous faire connaître qu’il désapprouve votre conduite dans cette circonstance.

« Les ministres du Prince, en mêlant adroitement dans leur conduite des marques trompeuses de déférence et des refus désobligeans, ont tendu à votre franchise un piège dont il est fâcheux que vous n’ayez pas su vous défier. Alors, en vous déterminant à une démarche qui, d’ordinaire, est l’annonce d’une déclaration de guerre, vous leur avez donné l’avantage d’une récrimination fondée et vous avez fait perdre à la légation française les fruits du zèle et de l’énergie que vous aviez précédemment déployés pendant votre séjour à Lisbonne pour assurer les droits du commerce et soutenir la dignité de son gouvernement.

« Le Premier Consul désire que vous restiez à Vitry, ne pouvant vous donner audience jusqu’à ce que votre affaire soit définitivement terminée, ce qui ne peut avoir lieu que quand il connaîtra le parti que prendra la Cour de Lisbonne. »

Mais, s’il désapprouvait si durement le diplomate coupable d’avoir agi sans instructions, d’un autre côté le Premier Consul écrivait au Régent, en réponse à la communication par laquelle celui-ci s’était plaint du départ de Lannes, une lettre constituant un véritable réquisitoire contre Almeida. Le ministre y était représenté comme la créature de l’ancien Cabinet anglais, celui dont la chute avait rendu possible la conclusion de la paix et son renvoi impérieusement exigé. « J’ai donné et je donnerai satisfaction au Portugal pour la conduite du ministre français. Je demande à V. A. R. une égale satisfaction contre M. d’Almeida. » En même temps Talleyrand adressait à Souza une