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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/381

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à un ministre dont Elle a besoin, » le Premier Consul consent « à tout ce qu’Ella voulait. » Voici maintenant la contre-partie : « (le général Lannes) a eu beaucoup à se louer de la manière dont Votre Altesse Royale l’a accueilli. Je regarderais comme une nouvelle preuve du désir qu’elle me témoigne de resserrer l’union des deux États, qu’Elle veuille bien l’accueillir de manière à lui faire oublier les désagrémens que quelques ministres lui ont fait éprouver[1]. » En apparence, aucun lien entre les deux questions ; mais le Régent a bien compris que, pour garder Almeida, il lui faut accepter Lannes et cela de bonne grâce. Aussi répond-il le 18 février 1803 (20 pluviôse an XI) par des protestations d’amitié : « Je ne cesserai de marquer au général Lannes, ambassadeur, le même accueil que je lui ai toujours témoigné dans l’attente que de semblables égards seraient envisagés par vous comme autant de preuves de mon attachement et de ma considération pour votre personne. »

Lannes n’a pas attendu l’arrivée de cette réponse pour partir. Afin de ne pas perdre de temps, il s’est embarqué à Rochefort avec tous les siens et Fitte sur la frégate la Thémis, qui, le 20 ventôse, vers six ou sept heures du soir, mouille à l’entrée du Tase.

Méneval, dans les mémoires manuscrits cités parle général Thoumas parmi les pièces justificatives, donne de ces événemens un récit qui est, sur presque tous les points, en complète contradiction avec les faits. Que Talleyrand ait insisté pour la révocation de Lannes, c’est fort possible et même probable, mais que le Premier Consul ait été satisfait des explications du général, cela n’est pas exact ; qu’Almeida ait « semé l’or » à Paris (4 millions) pour empêcher le retour de Lannes à Lisbonne ; que le Régent ait envoyé à Paris deux agens secrets chargés de le renseigner, et qui lui auraient prouvé que, contrairement aux allégations d’Almeida, Lannes n’était pas en disgrâce, cela se peut encore. Mais que le Prince ait alors cru devoir demander le retour de Lannes, et, le Premier Consul ayant fait du renvoi d’Almeida la condition de ce retour, ait consenti à se séparer de son ministre, nous venons de voir qu’il n’en est rien. — Lannes est revenu le 12 mars 1803 à Lisbonne ; — la disgrâce d’Almeida est du 13 août suivant.


MAURICE BOREL.

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