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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/396

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vous. On vit et on se voit dans la rue et, pour être seul, on n’a qu’à rentrer chez soi. Les jeunes gens qui dînent à la même pension que moi sont aimables et bien élevés. Il y a le cercle, qui est à ma porte, et, le soir, j’y vais prendre mon café et lire les journaux. Enfin c’est un exil très supportable et, si cette pensée vous est agréable, sachez que je m’y trouve aussi bien que possible. Adieu, ma bonne maman, adieu, Annette, faites mes amitiés à tous et recevez mes bons baisers.

FRANCIS.


5 heures du soir.

Je reçois à l’instant votre dernière lettre et je réponds aux questions qu’elle renferme.

— Non, je n’ai pas fait un vers, sauf deux couplets pour Paladilhe dont j’attends réponse[1].

— Je ne suis pas étonné du retard de Villiers ; ce qu’il fait est trop peu pratique, quoique bien,

— Oui, la pièce de Glatigny est reçue. Elle aura un succès aimable. Tant mieux pour ce pauvre être[2].

— Mes livres se vendent ici comme du pain depuis mon arrivée. Mon portrait est dans les vitrines des libraires.

Amitiés spéciales à tous ceux qui viendront. Qu’Annette se calme à propos de Hyacinthe. Il n’est qu’empêtré, mais point malveillant.


Pau, samedi soir.

Ma chère maman, ma bonne Annette, je me plais à Pau, décidément ; seulement je prévois qu’il me faudra beaucoup d’insistance pour ne pas être envahi. Je suis très connu ici, et déjà on fait des tentatives pour m’avoir à droite et à gauche. Je refuse tout le monde, net, non que le temps me manque, mais, je vous l’avouerai, je suis très content de rester seul avec mes pensées et mes projets pendant quelque temps. Je n’écrirai peut-être rien, mais je sens que ce calme sera favorable à mes

  1. Le Passant, opéra d’Émile Paladilhe, fut joué en 1872 à l’Opéra-Comique par Mme Galli-Marié et Priola.
  2. Albert Glatigny, que François Coppée avait connu chez Catulle Mendès, et qui collabora au Parnasse. Un à-propos de lui, en un acte, le Compliment à Molière, fut représenté à l’Odéon le 13 janvier 1872.