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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/398

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suis allé le voir. — Il est bien vieux, bien éreinté, mais c’est tout de même la ruine d’une grande imagination ; à ce titre, il est vénérable, — Comme maman fait bien d’aller mieux : cette bonne nouvelle-là vaut mieux que toutes celles que ma vanité de poète peut attendre. — Je suis allé voir les courses dimanche et hier mardi ; elles ont été fort belles et ont eu lieu par un temps de juillet torride, dans une lande en face des Pyrénées. Les gens de Pau continuent à être très aimables pour moi. — Amitiés à Sindico. Je vous embrasse et vous aime.

FRANCIS.


Vendredi matin.

Ma chère maman, ma bonne Annette,

J’ai pris un grand parti ; je ne lis plus aucun journal. De cette façon, j’ignorerai les méchancetés qu’ils pourraient dire et mon inquiétude, tout en persistant, sera plus vague. Heureusement que nous approchons du dénouement, quoiqu’il soit, car ma patience est à bout. — Les poètes ne font que leur devoir et entendent leur intérêt en comptant me défendre ; je ne leur en suis pas moins reconnaissant. — Une chose m’inquiète, c’est que toutes ces émotions ne fassent souffrir ma pauvre maman.

Au revoir, ma chère Annette, ma bonne mère, j’ai hâte que tout ceci soit fini. Du moins, si le résultat est fatal, je m’en consolerai auprès de vous. FRANCIS.


Jour de Pâques,

Ma chère mère, je me suis fait vacciner hier. Sois donc sans inquiétude pour mon retour, et fais-en autant, ainsi qu’Annette. Piogey a raison : écoute-le et laisse-toi faire. — Le jour de la première est fixé à mercredi : c’est Agar qui me l’a écrit hier. Je ne me fais aucune illusion ; ayant contre moi la plus grande partie de la presse, presque tous les gens du théâtre, tous les républicains et tous les envieux, le sort de ma pièce est presque certain. Même en admettant qu’il n’y ait pas de cabale et qu’il y ait succès, les journaux nieront ou feront le silence, le théâtre aura mille moyens pour interrompre les représentations, et tout sera dit. Si je ne suis pas insulté à la première, je dois encore m’estimer trop heureux. Je n’ai plus qu’un désir, revenir et vous revoir, chère mère et chère Annette. Heureusement que