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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/409

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Je me suis bien reposé ; je n’éprouve plus de découragement ; enfin je veux me remettre au travail.

Au revoir donc, et à bientôt, mes chères bonnes femmes. Amitiés à tous, à Lemerre, à Sindico, et pour vous,

Mes plus tendres baisers. FRANCIS.


VI

François Coppée revient à Paris, tout prêt pour de nouvelles luttes : s’il est poète et flâneur de tempérament, il a le souci de sa réputation, l’ardent désir de progresser dans son art ; et il justifiera largement sa boutade : « Je suis un paresseux qui a beaucoup travaillé. »

Mais s’il désire la gloire et la fortune, c’est surtout pour améliorer le sort de sa bonne mère, de sa sœur dévouée ; il le dit, dans une lettre bien touchante datée d’Étretat, où il avait fait une fugue de quelques jours, la même année.


Étretat. Lundi.

Ma bonne Annette,

Me voici dans cet Etretat qui est charmant. La saison n’étant pas encore trop avancée, la grande gomme n’est pas encore là, et sauf les propriétaires de villas et quelques familles bourgeoises, qui amènent leurs toilettes blanches et leurs chapeaux de paille sur le galet, on pourrait encore se croire dans l’ancien trou de pêcheurs, découvert par Alphonse Karr. Elle est exquise, cette petite anse de galets, si gracieusement taillée dans la falaise, et j’y ai déjà passé de longues heures, le derrière sur les cailloux, comme un simple chien, à écouter cet admirable rythme des lames que le bon Dieu a inventé, je crois, pour donner aux hommes l’idée de faire des vers cadencés et harmonieux[1]. Mais ni la belle perspective de mer, ni la fraîche brise du large, ni aucun des plaisirs que je trouve ici ne me fait un seul instant oublier mes deux chères prisonnières de la rue Oudinot. Au contraire, leur souvenir me gâte un peu le bon temps, le repos et la fraîcheur dont je jouis. Car je pense à l’horrible chaleur dont vous devez souffrir, toi, surtout, ma pauvre chère sœur, et je songe alors à ta vie de dévouement et d’abnégation.

  1. Cf. la pièce du Cahier Rouge intitulée : Rythme des Vagues.