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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/430

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indique combien les transactions sont intimement dépendantes des récoltes ; peu à peu, la science affranchit les producteurs, en leur apprenant à diminuer et à diviser leurs risques, mais il y a là un élément supérieur d’incertitude, qui déconseille les audaces trop peu préparées. Ces idées ont été plusieurs fois exposées par des rapporteurs du budget, très avertis et nullement pessimistes, devant le Conseil supérieur et les Délégations.

Le budget spécial, en effet, est un instrument délicat : après moins d’un siècle d’occupation française, dont plus de moitié de guerres et de tâtonnemens, l’Algérie ne nous offre pas le spectacle d’une société entièrement constituée, en possession d’une fortune adulte. Avant de lui imposer les obligations que peuvent accepter de plus vieux pays, il convient de laisser le temps faire son œuvre et, provisoirement, de tenir compte des inégalités du climat, du passif hypothécaire de la propriété, de la juxtaposition de races diverses, encore incomplètement associées. Le contribuable algérien n’acquitte pas, il est vrai, toutes les taxes qui chargent celui de France, mais il serait absolument impolitique de lui en faire grief et de poursuivre une politique d’assimilation fiscale ; les organismes jeunes veulent être ménagés et valent surtout par leur vigueur de réaction contre l’ambiance ; un poids trop lourd ou mal appliqué briserait leur ressort. Tel est exactement le cas du budget spécial algérien ; il doit être traité suivant les méthodes libérales des initiateurs de 1900 ; aussi bien la métropole n’y est-elle pas moins intéressée que la colonie elle-même.

La loi organique réserve justement un « droit de regard » au parlement métropolitain ; tous les ans, des rapports sont présentés aux Chambres, qui sont de véritables revues de la situation de l’Algérie, préfaces souvent copieuses de la courte loi autorisant la colonie à lever ses impôts. La série de ces documens permet de connaître comment le budget spécial incorpore peu à peu des dépenses que la France conservait d’abord à sa charge ; les Algériens le savent et ne s’en offensent pas ; de ce chef, la liste de leurs débours s’allonge chaque année, mais il y aurait folie à prétendre imprimer à ce mouvement une marche trop rapide ; la Commission du budget de la Chambre ne songea-t-elle pas, un jour, à demander d’un seul coup 5 millions comme contribution aux dépenses militaires du 19e corps ? On ne