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au Parlement, simplement prorogés de 1908 à 1909, puis de 1909 à 1911 ; sous le régime du monopole de pavillon, qui assimile le commerce franco-algérien au cabotage, ces transports sont le monopole d’un petit nombre de Compagnies, et participent aux difficultés d’exploitation qui entravent ces Compagnies elles-mêmes. En juillet 1909, à la suite des grèves qui, pendant six semaines (22 mai au 4 juillet) arrêtèrent l’activité de Marseille, les Chambres votèrent une loi autorisant le gouvernement à suspendre par décret le monopole de pavillon ; mais les charges de l’armement resteront les mêmes, tant que sera maintenue l’Inscription maritime, et la suspension du monopole paraît une simple menace, toute platonique. L’Algérie n’est donc guère fondée à escompter des réductions du fret sur la métropole et, tout en manifestant son désir d’être consultée sur des améliorations possibles, elle essaie de s’ouvrir des débouchés qui ne soient pas seulement en France. En attendant l’entrée en exploitation de ses minerais de fer de l’Ouenza, retardée par des adversaires que le bon droit le plus évident n’a pas encore réussi à convaincre, elle s’impose aux sympathies par son ardeur au travail, elle finira bien par triompher aussi dans ce procès si malheureusement prolongé ; déjà sa jeune majorité s’affirme glorieuse pour la métropole émancipatrice et pour la race française elle-même.

Par l’exercice de la liberté, l’Algérie, depuis dix ans, a puissamment grandi : nous assistons, sous le régime nouveau inauguré en 1901, à l’éveil d’une société coloniale, pleine de sève juvénile, tour à tour généreuse, passionnée, calculatrice, prompte à dépenser aujourd’hui son effort et demain son épargne ; société bien française, mais pour ainsi dire retrempée aux contacts de la lutte quotidienne avec une terre, avec des hommes qui ne sont pas ceux de la « douce France. » À l’extrême fin du XIXe siècle, ces ardeurs, mal dirigées, s’exaspéraient par leur impuissance même, et tournaient à des violences de guerre civile. Le mouvement antijuif eut des causes plus profondes que ne l’indique ce nom, trop restreint ; faute de pouvoir s’occuper de ses propres affaires, l’Algérie piétinait sur place, s’énervait, s’abandonnait aux suggestions des « mauvais bergers ; » incapable de discerner d’où venait son malaise, elle s’en prenait